L’histoire du bleu est mouvementée, couleur méprisée dans l’antiquité, plébiscitée de nos jours, féminine puis masculine.
Cet article fait partie de la série « les couleurs, toute une histoire » à laquelle appartiennent également les articles suivants :
Histoire du vert, couleur ambivalente
Histoire du rouge, une couleur puissante
Histoire du noir, une vraie couleur
Histoire du blanc, couleur divine
Histoire du jaune le mal aimé
Histoire du rose, une demi-couleur
L’histoire du bleu : un paradoxe.
Le bleu nous dit Michel Pastoureau pose un problème passionnant : c’est la couleur préférée des occidentaux mais dans l’antiquité gréco-romaine c’était une couleur mal aimée, délaissée méprisée. Les germains, qui faisaient des teintures plus variées que les grecs ou les romains étaient nommé barbares, et les couleurs qu’ils produisaient, notamment des verts et des bleus, étaient méprisées, c’étaient des couleurs de barbares. Les romains ont beaucoup de mots pour le bleu, mais aucun générique, et ce sont les langues germaniques (blau) et arabes (azur) qui ont donné les noms du bleu.
L’émergence du bleu commence à partir de l’an mille et surtout du XII° siècle. Avant cette date, le ciel n’est pas bleu, il est blanc, doré, de toutes les couleurs. Les théologiens différencient alors la lumière terrestre, lumen, qui est blanche, de la lumière divine, lux, qui est bleue et et les personnes divines deviennent bleues. La vierge commence à être habillée de bleu dans les images. Le bleu apparait dans les vitraux, les peintures. Le ciel devient bleu.
Cette association religieuse a contribué à faire du bleu un symbole de pureté, de transcendance et de spiritualité.
Les rois de France, Louis Philippe et surtout Saint Louis mettent le bleu à la mode dans le vêtement. On demande aux teinturiers de faire des progrès dans la gamme des bleus. Les marchands de garance (rouge) sont furieux de cette mode. A la fin du XIII° siècle, le bleu et le rouge s’opposent. Et c’est encore le cas aujourd’hui.
De l’antiquité romaine jusqu’au XVIII°, les teinturiers sont tenus à l’écart car leur activité est salissante et malodorante. Il y a des teinturiers de rouge, qui peuvent teindre en blanc ou en jaune et des teinturiers de bleu qui peuvent teindre en vert ou en noir. Mais on ne se mélange pas, les règlements professionnels l’interdisent. Les cuves de jaune et les cuves de bleu ne sont pas au même endroit, ni chez les mêmes teinturiers et donc il est impossible de faire du vert en mélangeant le jaune et le bleu.

Moralisation des couleurs
A la fin du moyen age, sous l’influence de la réforme protestante, on observe une moralisation des couleurs. On distingue des couleurs honnêtes (noir, blanc, gris et bleu) et déshonnêtes (rouge, jaune, vert). Cela concerne le vêtement, la vie quotidienne et la palette artistique. Le vêtement est signe de péché pour les protestants. Adam et Eve étaient nus, ils ont pêché, ils ont été habillés. Donc le vêtement doit être le plus sobre possible, se faire oublier. Les couleurs vives sont donc à bannir.
Rubens a une palette catholique, c’est un des plus grand coloristes de tous les temps. Un peu plus tard Rembrandt a au contraire une palette prostestante, qui met en valeur les clairs obscurs, les camaieux, les teintes retenues.
Au XVII° siècle, la contre réforme catholique reprend une grande partie de ces valeurs moralisantes pour les couleurs.
C’est véritablement au XVIII° siècle que la révolution du bleu se produit. La chimie des colorants fait de grands progrès. On importe massivement de l’indigo, un arbuste dont on utilise les feuilles. Celui du nouveau monde est plus puissant que celui d’Asie que l’on connaissait jusqu’alors. De plus, il est moins cher que le pastel qu’on utilisait également et qui était produit dans le sud de la France, notamment dans le Lauragais, le Languedoc et la région Toulousaine. Malgré la traversée de l’atlantique son coût est inférieur à celui du pastel car il est cultivé par des esclaves. L’indigo permet de diversifier la palette des bleus. Vers 1720 un pharmacien de Berlin produit le bleu de Prusse (en voulant produire du rouge). Le romantisme adopte cette couleur.
Le bleu se retrouve dans les blasons puis dans les drapeaux, les habits militaires. Dès le début de la révolution, le bleu est la couleur la plus importante, près de la hampe sur le drapeau. Beaucoup d’uniformes qui étaient noirs deviennent bleu marine au XX° : postiers, gendarmes, douaniers. Plus tard, le Jean Levi Strauss bleu se répand dans toutes les classes de la société.
les bleus ont cet avantage de tous se marier entre eux facilement ce qui n’est pas le cas des autres couleurs.
Valeur symbolique et émotionnelle du bleu


Le bleu est généralement perçu comme une couleur apaisante et sereine. Il évoque le calme des océans et la vastitude du ciel, ce qui lui confère naturellement des qualités tranquillisantes. Cette association avec la tranquillité en fait une couleur largement utilisée dans les espaces de repos ou de méditation.
Dans le monde contemporain, le bleu possède une dimension intellectuelle, souvent liée à la réflexion, à la concentration et à la sagesse. Il est perçu comme une couleur rationnelle, synonyme de confiance et de stabilité, ce qui explique son utilisation fréquente dans les contextes professionnels et académiques, particulièrement dans le secteur bancaire et technologique. Il symbolise aussi l’autorité et le pouvoir, comme en témoigne son utilisation dans de nombreux uniformes officiels et son surnom de « sang bleu » pour désigner la noblesse. C’est la couleur du calme, de la paix, de la diplomatie, il n’agresse pas. On le retrouve dans les drapeaux de l’ONU, de l’Europe et dans les logos de nombreux organismes internationaux.
Le bleu est une couleur assez neutre : quand on dit que sa couleur préférée est le bleu, on ne dit pas grand chose de soi, on ne prend pas de risque. Il est associé à la masculinité dans la culture occidentale moderne, bien que cette association soit relativement récente : jusqu’au début du XXe siècle, le bleu était souvent considéré comme une couleur féminine, tandis que le rose était associé aux garçons.
Mais le bleu est aussi associé à des émotions négatives dans la culture occidentale. La plus évidente est son lien avec la tristesse et la dépression, comme le montrent des expressions courantes telles que « avoir le blues ». Cette association remonte notamment à la musique blues, née de la souffrance des esclaves afro-américains, mais était déjà présente dans l’art romantique européen où le bleu exprimait souvent la mélancolie.
Le bleu peut également évoquer la froideur émotionnelle et la distance. On parle parfois d’une « atmosphère glaciale » en utilisant l’image du bleu, et cette couleur peut être associée à un manque de chaleur humaine ou d’empathie. Dans certains contextes, le bleu est associé à la peur, comme dans l’expression « être bleu de peur ». Cette association vient probablement de la réaction physiologique qui peut faire pâlir jusqu’à avoir un teint bleuâtre sous l’effet d’une forte émotion.
Je vous dirai les mots bleus
Etre un bleu ; Etre bleu de froid ; La grande bleue ; Etre fleur bleue ; Avoir du sang bleu ; Etre un cordon bleu ; Casque bleu (ONU) ; Avoir une peur bleue ; La planète bleue ; N’y voir que du bleu ; un Bas-bleu ; un col bleu
Ecouter l’interview de Michel Pastoureau sur cette couleur sur radiofrance