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Comprendre et prévoir les aurores boréales

A quoi sont dues les aurores boréales, peut-on les prévoir ?
Il y a des pages web très complètes sur ce sujet et des outils pratiques pour répondre à ces questions. Je vais essayer de les résumer dans cet article.

Comprendre les aurores boréales

Idées reçues

Les aurores boréales ne se voient que le matin.
Et non, elles se produisent à n’importe quel moment de la journée et de la nuit.
Dans la mythologie romaine, Aurora était la déesse de l’aube. Le terme d’aurore boréale a été retenu car ses lumières colorées ressemblent un peu à celles que l’on peut voir à l’aube.

Les aurores boréales ne se produisent pas à des moments privilégiés de l’année.
Non plus ! Elles sont entièrement dues à l’activité du soleil, qui ne dépend pas de nos saisons. Mais pour les observer sur terre, il faut trois conditions :
– Qu’elles se produisent ! Autrement dit que l’activité solaire soit forte
– qu’il fasse nuit pour qu’on puisse tout simplement les voir. Cette lumière n’est pas si forte qu’on puisse les voir en plein jour.
– que le ciel soit assez dégagé.
Plus l’activité solaire est forte plus la probabilité de voir des aurores a des latitudes basses augmente.
Lors de la tempête solaire de mai 2024, considérée comme l’une des plus puissantes de ces dernières décennies, les aurores boréales ont été observées à des latitudes exceptionnellement basses. Elles ont été visibles jusqu’au sud que la Floride et même aux îles Canaries à 28 degrés de latitude nord.
Mais c’est très exceptionnel ! Pour avoir les meilleures probabilités de voir des aurores boréales, on privilégie les régions très au nord, comme le nord de la Norvège, de la Finlande, du Canada. Ce sont ensuite la durée du jour, ou plutôt de la nuit, et les conditions météo habituelles qui font choisir une période de voyage plutôt qu’une autre.

L’activité cyclique du soleil

Le Soleil est composé principalement de plasma et ne tourne pas comme un corps solide : son équateur tourne plus rapidement que ses pôles : 25 jours terrestres à l’équateur et 35 aux pôles. Il brille car il produit de l’énergie. C’est un gigantesque réacteur nucléaire. En son cœur, la température est de 15 millions de degrés.

Le plasma solaire est électriquement conducteur et en mouvement constant. La combinaison de ce mouvement et de la rotation différentielle entre les pôles et l’équateur crée un effet dynamo : l’énergie mécanique est convertie en énergie magnétique. Celle-ci se manifeste de diverses manières, notamment par les taches solaires. Ce sont des zones sombres temporaires à la surface du soleil, plus froides que les régions environnantes. Leur nombre est indicateur d’une forte activité magnétique.

Périodiquement, environ tous les 11 ans, au maximum de l’activité solaire, la polarité magnétique du Soleil s’inverse. Le pôle Nord magnétique devient le pôle Sud, et vice versa. Cette inversion de polarité influence également l’activité solaire et des tempêtes solaires peuvent se produire.

Ces tempêtes sont des perturbations intenses de l’activité solaire qui libèrent une grande quantité d’énergie et de matière dans l’espace. Elles se produisent généralement dans des régions de forte activité magnétique, souvent associées aux groupes de taches solaires, même si une tempête peut se produire en l’absence de taches visibles. Comme on le voit ci-contre, on observe alors des éruptions solaires, des éjections de masse coronale (EMC), c’est à dire des expulsions massives de plasma et de champ magnétique ainsi que des vents solaires rapides. En mai dernier, des EMC atteignaient jusqu’à 17 fois le diamètre de la terre !

Tempête solaire
Tempête solaire
400 ans d'observation des cycles solaires
400 ans d’observation des cycles solaires

Les tâches solaires sont observées depuis plus de 400 ans mais ce n’est que depuis 1750 qu’elles le sont de façon systématique. On observe bien les cycles d’environ 11 ans, et en 2024-2025 nous arrivons au pic du 25° cycle, qui est très loin d’être un des plus puissants. Il y a probablement d’autres cycles qui se superposent à ces cycles de 11 ans, de durée plus longue et plus complexes à identifier avec un recul encore assez court pour les observations.

D’où viennent les aurores boréales ?

Formation des aurores boréales
Formation des aurores boréales

Les vents solaires sont des flux de particules chargées. Ils perturbent la magnétosphère terrestre lorsqu’ils la percutent, ce qui modifie leur trajectoire. Il se produit une ionisation et une excitation des composants atmosphériques terrestres, ce qui génère une lumière de couleur et de complexité variables : les aurores boréales et australes.

La plupart des planètes du système solaire, certains satellites naturels, des naines brunes et même des comètes abritent également des aurores.

Les aurores boréales sont à leur maximum d’intensité aux deux pôles terrestres. On parle donc d’aurores boréales (borealis = nord en latin) au nord (northern lights en anglais) et d’aurores australes au sud (southern lights en anglais).

La forme de l’aurore, qui se produit en bandes ovales autour des deux régions polaires, dépend également de l’accélération des particules précipitées.

L’ovale auroral est centré sur le pôle magnétique (celui de la boussole) et non sur les pôles géographiques (l’axe de rotation de la terre). Et le pôle magnétique se déplace avec l’écoulement de la partie fluide du noyau ferreux terrestre.

L’ovale boréal était pendant longtemps décalé vers le Canada, qui bénéficiait de plus d’aurores que l’Europe, mais le pôle nord magnétique se rapproche de plus en plus de la Russie (et du pôle géographique) ce qui augmente la probabilité de voir des aurores dans le nord de l’Europe.

Carte de déplacement du pôle magnétique nord
Carte de déplacement du pôle magnétique nord

Pour aller plus loin, un article du CNRS sur le sujet

D’où viennent les couleurs des aurores boréales ?

Les couleurs sont produites lorsque les particules chargées des vents solaires (principalement des électrons) entrent en collision avec les atomes et molécules de l’atmosphère terrestre. Cette collision excite les atomes, qui émettent de la lumière en retournant à leur état fondamental.
Les couleurs sont influencées par l’intensité de l’activité solaire, et donc de l’énergie des particules du vent solaire, ainsi que par l’altitude de l’interaction et la composition de l’atmosphère terrestre à cette altitude.
– Le vert (Longueur d’onde : 557,7 nm) est la couleur la plus fréquente. Il est produit par l’excitation de l’oxygène atomique à des altitudes d’environ 100-240 km
– Le rouge pur (Longueur d’onde : 630,0 nm), plus rare, vient de l’excitation de l’oxygène atomique à des altitudes plus élevées (au-dessus de 240 km)
– Le bleu/violet est encore plus rare car il nécessite plus énergie pour exciter et ioniser l’azote
Enfin on trouve des mélanges de ces couleurs :
– Rose/magenta : mélange de bleu et de rouge
– Jaune et orange : mélange de rouge et de vert
Les aurores peuvent changer de couleur rapidement en fonction des variations dans le flux de particules et leur énergie. Le vert est le plus facile à percevoir par l’oeil humain (et nos boitiers photo) qui dispose de 2 cones vert pour 1 rouge et 1 bleu. De nuit, nos boitiers étant bien plus sensibles aux couleurs que l’oeil humain, en cas de doute, prendre une photo, même avec le smartphone permet de vérifier s’il s’agit bien d’une aurore.

Aurores boréales, Norvège
Aurores boréales multicolores

Prévoir les aurores boréales

Si ce n’était que pour planifier de jolies photos, il n’y aurait pas autant d’efforts déployés pour suivre l’activité du soleil et prévoir l’arrivée d’aurores boréales.
En effet, les vents solaires chargés en énergie peuvent brouiller les communications radio, les signaux GPS, perturber les réseaux électriques, endommager les satellites spatiaux, et donc impacter potentiellement gravement les activités humaines. Ces prédictions sont donc utiles pour mettre en sécurité avions, satellites, réseaux de communication…

Le soleil est donc en permanence surveillé par des satellites et depuis des observatoires sur terre. Le principal satellite utilisé est SOHO (Solar and Heliospheric Observatory). Il est placé entre le soleil et la terre, au point de Lagrange L1, à 1 500 000 Km de la terre. Il tourne exactement à la même vitesse que la terre autour du soleil.
Si une éjection de masse coronale se produit, cette information parvient à la vitesse de la lumière environ 8 minutes plus tard aux différents satellites d’observation.
le nuage de plasma voyage lui entre 400 et 750 km/s environ, il ne parviendra au satellite situé au point de Lagrange que 2 à 3 jours plus tard, environ 30 minutes avant la terre. Le SOHO mesure les caractéristiques de ces vents solaires et les transmets à des centres de calculs, en particulier à la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration).
C’est ce qui explique qu’on dispose en général de prévisions à 3 jours et d’autres bien plus précises à 30 minutes.

En dépit de toutes ces informations, prévoir une aurore boréale comporte une grande part d’incertitude. Mais les informations fournies donnent une idée de la probabilité d’avoir un calme plat, une activité moyenne ou un très beau spectacle. Les chasseurs d’aurores norvégiens, qui ont de nombreuses occasions d’en voir et suivent avec attention les prévisions, restent toujours prudents : certains soir les prédictions sont excellentes et il ne se passe rien alors que le soir suivant, elles ne sont pas bonnes et pourtant les aurores sont splendides.

On utilise 5 paramètres principaux pour prédire au mieux les aurores polaires :
– Le KP,
– La vitesse du vent solaire,
– La densité de particules dans le vent solaire,
– Le champ magnétique interplanétaire BT
– La composante nord-sud du champ magnétique interplanétaire.

Chacun de ces paramètres est important. Globalement plus les valeurs sont élevées, meilleure est la probabilité d’observer une aurore polaire.

L’indice KP

L’indice KP quantifie sur une échelle quasi-logarithmique de 0 à 9 les fluctuations maximales de la composante horizontale du champ magnétique terrestre observées sur un magnétomètre pendant un intervalle de trois heures. Cet indice est une moyenne pondérée de plusieurs indices mesurés dans un réseau de 13 observatoires géomagnétiques.

Un KP de 0 ou 1 indique une faible activité, 5 ou plus indique une tempête géomagnétique.
Les tempêtes géomagnétiques sont elles mêmes classées G1 (mineure, kp=5), G2 (modérée, KP=6), G3 (forte, KP=7), G4 (sévère, KP=8), ou G5 (extrême, KP=9)

La vitesse du vent solaire et sa densité en particules

La vitesse du vent solaire est généralement mesurée en km/s.
Des vitesses élevées (>500 km/s) indiquent une activité solaire intense, favorable aux aurores.

La densité du vent solaire représente le nombre de particules par unité de volume dans le vent solaire, généralement en particules/cm³.
Une densité élevée signifie plus de particules disponibles pour interagir avec le champ magnétique terrestre.

Le champ magnétique interplanétaire (IMF) : BT et BZ

BT : C’est la magnitude totale du champ magnétique interplanétaire, mesurée en nanoteslas (nT). Des valeurs élevées indiquent un champ magnétique plus fort.

BZ : C’est la composante nord-sud du champ magnétique. Elle est cruciale pour les aurores. Quand BZ est négatif (orienté vers le sud), cela favorise la reconnexion magnétique avec le champ terrestre, augmentant les chances d’aurores.

Où aller pour voir des aurores boréales

Plus on est au nord, mieux c’est ! Les aurores australes sont aussi une possibilité mais il y a beaucoup moins de sites accessibles sous l’ovale austral que sous l’ovale boréal.

Une grande partie du site de Vincent-voyage est consacré aux aurores boréales dont il est un grand amateur, spécialiste et photographe !
Son site, gratuit, vaut de nombreux guides touristiques payants ! Pour la Norvège, la Laponie, l’Islande en particulier, il fourmille de conseils, d’adresses, de photos. Je recommande chaudement !
Il est également présent sur Facebook.

Vincent a mis en ligne (septembre 2024) une page spéciale sur les aurores boréales :
Où, quand et comment voir les aurores boréales

Site web de Vincent-voyage
Site web de Vincent-voyage

Préparer une soirée aurores boréales

Les sites et applications indispensables

Le site web SpaceWeatherLive.com et l’application smartphone gratuite du même nom (android et iOS) sont des références dans le domaine (en français !). Ils donnent en temps réel les différentes mesures de KP, vent solaire, densité, BT, BZ, montrent l’ovale auroral et bien bien d’autres infos.
Deux onglets sur l’appli smartphone : activité solaire et activité aurorale.

Le site web est une mine d’informations avec de nombreux liens pour aller plus loin dans la compréhension de ces phénomènes qui ont fasciné les peuples depuis… toujours !

Application SpaceWeatherLive
Application SpaceWeatherLive
Les copies d’écran sont en anglais mais l’appli est bien en français.

Un autre excellent site en français : Aurora maniacs. Beaucoup d’explications également sur ce site et un tableau de bord pratique.

Avec des prévisions comme celles ci, pas de doute qu’on peut se coucher de bonne heure ! la probabilité d’aurores en NULLE 😒.

Tableau de bord Aurora Maniacs
Tableau de bord Aurora Maniacs
Application My aurora forecast
Application My aurora forecast

Une autre application smartphone gratuite très bien faite, avec des cartes des aurores en cours, des webcam et beaucoup d’infos pertinente : My Aurora Forecast.
NB : Le lien que j’indique est celui vers la page de google play sur PC pour faciliter l’identification

La météo

Même avec un KP9 et tous les autres paramètres au maximum, si le ciel est complètement bouché, il n’y a aucune chance de voir des aurores. Il faut donc utiliser des applications de météo, de préférence avec des cartes et pas seulement des icones, de façon à chercher des zones accessibles où le ciel a plus de chances d’être dégagé. Même un ciel partiellement couvert peut faire l’affaire.

L’appli que je préfère sur smartphone c’est Ventusky. Moyennant 10€ par an on accède à des fonctions supplémentaires, notamment la visualisation de l’ovale auroral. Sur l’ordi, j’utilise Ventusky aussi et Windy mais en comparant régulièrement les deux, je trouve Ventusky plus fiable (attention ce n’est pas une étude scientifique avec moyenne, écart type et test stat à l’appui ! c’est de la stat au doigt mouillé 😂).

La lune est un paramètre à prendre en compte. La nouvelle lune permet de mieux voir les étoiles et les aurores polaires mais d’un autre côté la lune permet d’éclairer le premier plan. Une lune à 50% est un bon compromis (quand on a le choix !)

A part cas exceptionnel, les aurores se produisent majoritairement dans les régions assez proches des pôles, donc froides. Voire très froides si on les chasse en hiver ! Et il faut parfois attendre longtemps dehors. Il est donc indispensable de prévoir les vêtements en conséquence, notamment pour les pieds et les mains. Prévoir un thermos avec une boisson chaude, de quoi grignoter, c’est également une bonne idée.

Trouver un premier plan

Comme pour les photos de voie lactée, de lever ou de coucher de lune ou de soleil, le premier plan est important pour les photos d’aurores boréales.
Même si l’aurore n’est pas explosive, comme c’était le cas ci-contre, avoir un premier plan sauve la sortie !

Les conseils donnés sur cette page, avec l’application Sun Surveyor (9.99€ en 2024) pour trouver un premier plan, notamment grace à la visualisation en réalité augmentée (live view) ou surtout avec street view sont tout à fait applicables aux photos d’aurores. A noter : en Norvège, même sur de minuscules routes, street view est disponible !

Aurore boréale à la plage de Skagsanden aux Lofoten
Aurore boréale à la plage de Skagsanden aux Lofoten

Le matériel photo

Le sujet de cet article n’est pas de parler de la prise de vue des aurores boréales. Cela fera l’objet d’un autre article.

Lors d’une soirée aurores polaires, le matériel photo aussi risque d’avoir froid.
Les batteries se déchargent bien plus vite au froid qu’au chaud et ce serait dommage de tomber en panne au meilleur moment.
Il faut donc prévoir plusieurs batteries et/ou une alimentation externe du boitier avec une power bank (à tester avant et tester également les cables, c’est important).

Prévoir également une bande chauffante à mettre autour de l’objectif pour éviter la condensation. Pas besoin de quelque chose de sophistiqué, on en trouve pour une vingtaine d’euros sur les sites en ligne qui font très bien l’affaire.

Il faut éviter de rentrer et sortir le boitier de la voiture pour éviter la condensation. Si on doit se déplacer, ne pas trop chauffer le véhicule (rester couvert !).
Une astuce c’est de sortir le sac photo dehors pendant la première prise de vue, pour qu’il soit froid, et de mettre le boitier dedans, sac fermé, si on se déplace. De retour à l’hébergement, laisser le boitier dans le sac jusqu’au lendemain matin pour qu’il se réchauffe doucement.

Conclusion

Avec les aurores polaires, rien n’est joué d’avance. Même avec toutes les prévisions possibles, les photographes d’aurores disent tous la même chose : il faut tenter !
Je tenterai ma chance dans les prochaines semaines, et j’espère bien rapporter de belles images, et surtout de beaux souvenirs.

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