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Roues des couleurs

Pourquoi représenter les couleurs sur une roue et pourquoi y en a-t-il plusieurs ? D’où vient l’ordre des couleurs de l’arc en ciel ?

Une couleur, dix définitions (au moins !)

Si je dis « couleur » , tout le monde se fait une idée de ce dont je parle. Mais on peut parler de couleur avec une approche artistique, physique, chimique, physiologique, psychologique, historique, sociologique, cognitive, philosophique et même en les mélangeant ! Chacune de ces approches décrit un aspect d’une couleur en utilisant des approximations convenables pour sa spécialité, mais qui ne s’appliquent pas nécessairement aux autres. L’approche physique par exemple ne se soucie pas de la perception et décrit parfaitement l’infra rouge ou l’ultra violet perçus par des oiseaux ou des insectes, mais invisible pour l’oeil humain. Les capteurs de nos boitiers ne voient en réalité pas les couleurs.

Le spectre de perception des couleurs n’est pas exactement identique chez les hommes et chez les femmes. Les femmes sont généralement plus sensibles aux nuances de couleur, particulièrement dans les tons de rouge. Cette différence pourrait être liée à des facteurs biologiques et évolutifs. Le chromosome X porte les gènes de la vision des couleurs, et les femmes, ayant deux chromosomes X, ont potentiellement accès à un plus grand nombre de récepteurs de couleurs. C’est aussi pour cette raison que le daltonisme est beaucoup plus fréquent chez les hommes (environ 8%) que chez les femmes (0.5%).

La couleur est d’abord une catégorie mentale et dans toute société, une des premières fonctions de la couleur c’est de classer, de hiérarchiser.

Ordre des couleurs selon Aristote

Selon le philosophe grec Aristote (384-322 av. JC.), les couleurs s’organisaient sur une échelle linéaire allant du blanc au noir, considérés comme les deux extrêmes fondamentaux. Toutes les autres couleurs étaient des mélanges ou des états intermédiaires entre ces deux pôles. Les couleurs de base s’ordonnaient ainsi du plus clair au plus foncé : blanc (leukos), jaune (xanthos), rouge vif (phoinikoun), pourpre (alourgon), vert (prasinon), bleu (kyanoun), noir (melan). A noter que kyanoun n’est pas vraiment le bleu tel qu’on le décrit aujourd’hui. Cela désignait une gamme de teintes sombres, incluant le bleu foncé mais aussi des violets et des noirs. Les Grecs anciens décrivaient souvent la mer comme « vineuse » (oinops) ou « pourpre » plutôt que bleue.

L'échelle des couleurs selon Aristote

Cette conception a persisté pendant des siècles. Aristote liait sa théorie des couleurs à sa théorie des éléments (terre, eau, air, feu). Pour lui, les couleurs étaient intrinsèquement liées aux propriétés fondamentales de la matière et non de la lumière captée par le cerveau et l’œil comme nous les comprenons aujourd’hui.

Jusqu’au XVIII°, au moins en France, il y a des teinturiers de rouge, qui peuvent teindre en blanc ou en jaune, et des teinturiers de bleu qui peuvent teindre en vert ou en noir. Mais on ne se mélange pas, les règlements professionnels l’interdisent. Les cuves de jaune et les cuves de bleu ne sont donc pas au même endroit, ni chez les mêmes teinturiers, et donc il est impossible, interdit, de faire du vert en mélangeant le jaune et le bleu. Mais cette connaissance existe déjà et est pratiquée ailleurs depuis longtemps.
Mélanger des couleurs se heurte cependant à des difficultés liées à la chimie des colorants utilisés. Certains sont incompatibles entre eux et donnent un mélange instable dont la couleur se dégrade.
Pendant longtemps, mélanger du rouge et du bleu, ce qui donc était interdit, donnait un violet tendant vers le brun car les pigments n’étaient pas purs.

Les teinturiers savent depuis longtemps que le mélange de deux couleurs aboutit toujours à une couleur moins lumineuse, et que les couleurs claires et saturées ne peuvent pas être obtenues en mélangeant plusieurs pigments.

Couleurs de l’arc en ciel

Combien y a-t-il de couleurs dans l’arc en ciel ?

Dans les textes et les images depuis l’antiquité jusqu’au Moyen Âge, les arcs-en-ciel ont trois, quatre ou cinq couleurs. Mais pas 7 !

D’ou vient ce nom indigo que l’on utilise quasiment jamais pour décrire une couleur, excepté quand on nomme les 7 couleurs de l’arc en ciel ?

Double arc en ciel en Norvège. Crédit photo : Johan Georget
Double arc en ciel en Norvège. Crédit photo : Johan Georget

Newton et le prisme

La pomme de Newton

le mathématicien, physicien, astronome et philosophe britannique Isaac Newton (1643-1727) est d’abord célèbre pour sa théorie de la gravitation universelle, qu’il aurait découverte lorsque la fameuse pomme lui serait tombée sur la tête.
Mais ce génial scientifique se fait également connaître de son vivant pour ses recherches sur l’optique.

Newton utilisait des lentilles pour faire converger un faisceau lumineux en un point donné et avait remarqué que la réfraction faisait apparaitre des couleurs, ce que les photographes connaissent bien sous le terme d’aberration chromatique. Pour étudier ce phénomène, après d’autres expériences, il a l’idée en 1666 de faire passer un fin trait de lumière par un trou percé dans un volet et il fait traverser un prisme par ce faisceau de lumière blanche.

Il observe alors que la lumière qui sort du prisme s’étale en faisceaux colorés, reproduisant les couleurs de l’arc-en-ciel. La seconde expérience, clé, montre que cette décomposition n’altère pas la nature de la lumière puisqu’avec un second prisme on peut la recomposer.

Décomposition de la lumière blanche
Décomposition de la lumière blanche
Recomposition de la lumière blanche
Recomposition de la lumière blanche

Du prisme à la roue

Cette découverte marque un tournant majeur dans la compréhension de la nature de la lumière. Elle établit que la lumière du soleil n’est pas incolore mais composée de différentes teintes et que toutes les couleurs, y compris le blanc, sont formées par des mélanges de ces teintes. Après plusieurs décennies de recherches, il publie en 1704 la synthèse de ses études dans un ouvrage intitulé Opticks.

Cependant, le spectre des couleurs dans l’arc en ciel est alors considéré comme composé de seulement cinq couleurs : rouge, jaune, vert, bleu et violet. Mais Newton est convaincu qu’un lien existe entre la couleur, la musique et le chiffre 7. Les croyances ésotériques et l’importance symbolique du nombre sept dans la religion et l’histoire (les sept péchés capitaux, les sept plaies d’Égypte, les sept lampes ardentes, les sept jours de la création, les sept jours de la semaine, les sept planètes, etc.) ont certainement contribué à ce choix arbitraire.

Il décide alors d’ajouter l’orange, entre le rouge et le jaune, et de séparer le violet en deux couleurs, l’indigo et le mauve.
En musique, lorsque la gamme (A, B, C, D, E, F, G dans la notation batave utilisée dans les pays protestants) arrive à la fin des 7 notes, on la répète et c’est pour cette raison que Newton conçoit son cercle chromatique, qui met l’indigo et le violet entre le bleu et le rouge, alors qu’ils n’y sont pas dans un arc en ciel.

Dans son ouvrage, Newton explique la construction de son cercle chromatique des couleurs en précisant qu’il est nécessaire de « séparer la circonférence en sept partie, en proportion avec les sept tons musicaux ou les huit intervalles » . Il est intéressant de noter que les deux nouvelles couleurs ajoutées par Newton interviennent là où se situent les demi-tons dans la gamme musicale : E-F (mi-fa) et B-C (si-do).

Newton montre également dans Optiks la possibilité de reconstituer une sensation de blanc en faisant tourner rapidement un disque peint de secteurs colorés sur une toupie.

La roue des couleurs de Newton
La roue des couleurs de Newton

Opticks fut l’un des ouvrages scientifiques les plus consultés du 18e siècle avec une influence considérable sur le monde de la lumière et de l’optique. Et si certaines de ces théories ont depuis été réfutées, et d’autres complétées, il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui la représentation de l’arc-en-ciel selon Newton, avec ses sept couleurs si familières inspirées de la musique, reste une idée incontournable de notre société.
Dans cette nouvelle classification, il n’y a plus de place pour le blanc ou le noir. Le blanc étant la somme de toutes les couleurs et le noir l’absence de lumière, ils se situent en quelque sorte « en dehors » du cercle.

Théories des couleurs

Théories « perceptives »

En 1810, Johann Wolfgang Goethe (1749-1832) publie son « Traité des couleurs » en 2 volumes dans lequel il s’oppose dès l’avant propos à la théorie de Newton. Il décrit les couleurs comme issues de la rencontre de la lumière et de l’obscurité, celle-ci n’étant pas une absence de lumière mais existant indépendamment. Il classe les couleurs en couleurs physiologiques, physiques et chimiques, faisant intervenir des notions d’harmonie, de contraste et de différence chromatique. Pour lui, la matière même du prisme utilisé par Newton crée la couleur, qui ne préexiste pas, et il critique la représentation circulaire en notant que le rouge et le violet « ne peuvent se rejoindre dans l’image prismatique ».

La théorie de Goethe, même si elle est rejetée par la physique moderne, a ouvert le champ d’une recherche indépendante de celle de la physique, celle de la perception des couleurs, à laquelle la physique est indifférente. Au XXe siècle, les enseignants de la couleur au Bauhaus — Itten, Albers, Kandinsky — développent leurs réflexions à partir de celles du Traité de Goethe.

Après lui, d’autres théoriciens de la couleur se sont appuyés sur la perception, sur la psychologie expérimentale, plus que sur la physique des couleurs. On peut citer par exemple Ewald Hering pour qui la perception des couleurs s’organise selon trois axes, l’un de clarté, les deux autres opposant respectivement le bleu et le jaune et le rouge et le vert, classification qu’on retrouve étrangement dans la convention L*a*b* qui est elle très mathématique et physique.

Travaux scientifiques

Parallèlement à ces travaux centrés sur la perception, se développent les travaux de scientifiques qui aboutiront à la théorie physique actuelle des couleurs. On peut en particulier citer les travaux de Young, qui en 1802 recompose la lumière blanche à partir de trois lumières, rouge, verte et bleue. Il postule l’existence de trois récepteurs différents dans l’œil humain. Ses travaux sont confirmés et approfondis par Hermann von Helmholtz.

En 1857, James Clerck Maxwell propose une nouvelle façon de répartir les couleurs, qu’on nomme aujourd’hui triangle de Maxwell. Il représente une première construction colorimétrique. Sans entrer dans des explications mathématiques et physiques assez complexes, on peut dire que cette représentation permet d’effectuer des calculs pour exprimer une couleur par ses composantes rouges vertes et bleues.

Maxwell mesure la quantité de lumière blanche qu’il faut ajouter à une lumière monochromatique pour égaliser un mélange de deux primaires monochromatiques. C’est la position précise d’une couleur dans le triangle, définie par ses coordonnées, qui indique les proportions nécessaires de chaque primaire.

Le triangle de Maxwell
Le triangle de Maxwell

Couleurs primaires

A partir du XVII°, les savants commencent à se préoccuper du classement des couleurs et distinguent des couleurs premières et des couleurs secondaires. Nous parlons aujourd’hui de couleurs primaires et complémentaires.

Une couleur primaire, c’est une couleur qu’on ne peut pas reconstituer par le mélange des autres. La notion de « primaire » ne se conçoit qu’en relation avec d’autres couleurs. Une couleur n’est pas primaire si elle est toute seule. Une couleur secondaire ou complémentaire s’obtient par mélange de couleurs primaires.
Quand on pense aux couleurs primaires, ce qui vient à l’esprit c’est en général la triade rouge vert bleu, ou bien rouge jaune bleu. Mais on peut tout à fait choisir comme primaires un bleu, un vert et un violet. Ces trois couleurs sont primaires entre elles puisqu’on ne peut en créer aucune par mélange des deux autres. Cependant, on ne peut pas faire de gris avec ces trois couleurs.
Or, il est bien rare en photo ou en peinture qu’il n’y ait pas de gris !

Une couleur complémentaire est définie comme une teinte qui, lorsqu’elle est combinée à une autre en proportions appropriées, produit un résultat neutre, tel que le blanc ou le noir (dans le cas de la lumière) ou un gris neutre (dans le cas des pigments).
Pour pouvoir en produire, il faut au minimum trois couleurs primaires entre elles. Et il faut que la troisième couleur soit complémentaire de celle obtenue par mélange des deux autres.

Par exemple en synthèse additive (voir ci-dessous), si je choisis le vert et le bleu comme couleurs primaires. Leur mélange donne du cyan, dont la couleur complémentaire est le rouge. Par conséquent, avec du bleu et du vert, il faut ajouter du rouge pour obtenir la gamme des gris.
Rien n’interdit d’utiliser plus de 3 couleurs primaires entre elles mais 3 suffisent.

En photographie, en impression en couleurs, sur les écrans de télévision ou d’ordinateur, les couleurs primaires sont des conventions technologiques définies par des normes. Ces normes peuvent changer d’une application à l’autre, et elles n’ont pas de rapport avec la sensibilité particulière des trois types de cônes de l’œil

Synthèse soustractive

Synthèse soustractive
Synthèse soustractive

La synthèse soustractive c’est celle des pigments, des encres et des peintures.
Quand on éclaire un objet avec une lumière blanche, s’il nous apparait bleu c’est qu’il absorbe les autres couleurs, il les soustrait d’où ce nom de synthèse soustractive.
Comme monsieur Jourdain faisant de la prose sans le savoir, à l’école maternelle on fait de la synthèse soustractive quand on mélange du bleu et du jaune pour faire du vert (et s’en barbouiller au passage) !

Les trois couleurs primaires en peinture sont le rouge, le bleu et le jaune. Le mélange du rouge et du bleu donne du violet, du rouge et du jaune donne du orange et le bleu et le jaune donent du vert. Le mélange des trois couleurs donne du noir.

Dans la synthèse soustractive, les couleurs ne peuvent pas être à la fois plus saturées et plus lumineuses que les couleurs des colorants qui servent à les produire. C’est LA grande difficulté pour les imprimeurs et les teinturiers.

Couleurs primaires des imprimeurs

Les imprimeurs utilisent le cyan, le magenta et le jaune (CMY) comme couleurs primaires, plutôt que le rouge, le jaune et le bleu (RYB).

D’un point de vue spectral, le cyan et le magenta sont des couleurs plus « pures » que le rouge et le bleu traditionnels. Ils permettent de reproduire une plus large gamme de couleurs (gamut) quand ils sont mélangés. En particulier, le cyan absorbe mieux le rouge, et le magenta absorbe mieux le vert, ce qui donne des mélanges plus précis.
La standardisation industrielle joue également un rôle important. Les pigments CMJN ont été spécifiquement développés pour l’impression industrielle, avec des propriétés très stables et prévisibles. Leur fabrication est standardisée, ce qui assure des résultats constants dans la production.
Le système RJB des peintres s’explique par des raisons historiques, s’étant développé empiriquement au fil des siècles. Il était basé sur les pigments naturels disponibles à l’époque, qui étaient souvent moins purs spectralement que les pigments modernes.
Les imprimeurs ajoutent le noir pour économiser les pigments CMJ d’une part mais surtout car le mélange de ces tois pigments donne un noir brunâtre.

En imprimerie, le blanc c’est l’absence de pigments et il est limité par la blancheur du support, le plus souvent du papier, qui n’est jamais blanc pur.

Encres CMJN
Encres CMJN

Synthèse additive

Synthèse additive
Synthèse additive

La synthèse additive, c’est celle de nos yeux, des capteurs de nos appareils photos, de nos écrans.
En absence de lumière on a du noir, en ajoutant de la lumière verte, rouge, bleue ou une combinaison de ces lumières on obtient une couleur et l’addition de ces trois couleurs primaires en proportions convenables donnent le blanc. On parle de système RVB (RGB en anglais)

Notre oeil perçoit les couleurs grâce à trois types de cônes qui présentent chacun une sensibilité à une région du spectre des couleurs : des cônes plus sensibles à la lumière bleue (cônes S), d’autres à la lumière verte (cônes M) et le troisième type de cônes à la lumière rouge (cônes L). Ils permettent la vision des couleurs pendant la journée. Bien que ces régions soient centrées sur les trois couleurs primaires, elles se chevauchent de manière importante. Les trois types de cônes seront donc stimulés à des degrés divers par une couleur donnée. Notre perception des couleurs dépend de la combinaison de ces stimuli. Ces cônes sont répartis de manière aléatoire sur notre rétine et notre cerveau intègre en permanence ces très nombreux signaux pour constituer une image.
Nous sommes incapables de distinguer la différence entre un flux lumineux composé uniquement de photons oranges, et un flux lumineux composé d’un mélange de photons jaunes et rouges

Spectres excitant les 3 types de cônes dans nos yeux

Les couleurs primaires utilisées en synthèse additive ont varié depuis les travaux de Young et de Maxwell. Lorsque les autochromes, ancêtres des diapositives, apparaissent au début du XXe siècle, la gamme de tons est limitée. L’image en couleurs, vue par transparence, est constituée d’une mosaïque irrégulière de points de couleurs primaires, violet, vert et orangé.
Le développement de la photo couleur impose peu à peu le rouge le vert et le bleu mais ces primaires varient avec la chimie utilisée dans les films. Dans la seconde moitié du XX° siècle, le développement de la télévision en couleur et des écrans a encore modifié ces valeurs.

Quand on veut imprimer, on passe d’une synthèse additive des couleurs (capteur photo, écran) à une synthèse soustractive (encres sur papier). Ce passage nécessite des adaptations, des compromis. Un tirage ne sera jamais aussi lumineux que ce que l’on peut obtenir sur un écran, surtout avec les écrans HDR qui sont de plus en plus présents. Quand on veut imprimer, il est donc indispensable de préparer sa photo dans ce but.

Violet ou magenta ?

Le mélange du bleu et du rouge donne du violet en synthèse soustractive. Mais ce violet est souvent terne et tend vers le brun car les pigments ne sont pas parfaits.
Ce même mélange rouge + bleu en synthèse additive donne du magenta.
La distinction entre violet et magenta a été clarifiée au XIXème siècle, notamment grâce aux travaux de Maxwell.

Le violet est une couleur spectrale pure qui correspond à la longueur d’onde la plus courte du spectre visible (environ 380-450 nm), tandis que le magenta est une couleur extra-spectrale qui n’existe pas dans le spectre mais que notre cerveau perçoit quand nos yeux sont stimulés simultanément par du rouge et du bleu.

Le système L*a*b*

Le système L*a*b* (également appelé CIELAB) a été développé en 1976 par la Commission Internationale de l’Éclairage (CIE).
Sa création répondait à un besoin fondamental : disposer d’un espace colorimétrique qui soit perceptuellement uniforme, c’est-à-dire dans lequel les distances mathématiques entre les couleurs correspondent aux différences perçues par l’œil humain. L’astérisque (*) après chaque lettre a une signification importante : il indique qu’il s’agit des coordonnées dans l’espace colorimétrique transformé et normalisé, par opposition aux valeurs brutes. Ces astérisques sont donc essentiels pour distinguer ce système des autres notations (même si par comodité on parle souvent du système Lab en omettant les astérisques).
Les systèmes RVB ou CMJN présentent des limitations importantes : ils sont soit dépendants des périphériques, soit non uniformes en termes de perception. Par exemple, dans ces systèmes, une différence mathématique identique entre deux couleurs peut être perçue très différemment selon la zone du spectre concernée.
Le système Lab a résolu ces problèmes en séparant la luminance (L) des composantes chromatiques : a pour l’axe vert-rouge et b pour l’axe bleu-jaune. Cette séparation reflète la façon dont notre système visuel traite la couleur, car nos cellules rétiniennes sont également organisées pour traiter séparément la luminance et la chrominance.
Un autre avantage majeur du L*a*b est qu’il est indépendant du périphérique. Cela signifie qu’il peut décrire toutes les couleurs visibles par l’œil humain, indépendamment de la manière dont elles sont créées ou affichées. Cette caractéristique en a fait un outil précieux pour l’industrie, servant souvent d’espace colorimétrique de référence pour la conversion entre différents systèmes de couleurs.
Aujourd’hui, le système L*a*b* reste largement utilisé dans les industries graphiques, l’impression professionnelle et le contrôle qualité des couleurs, où la précision et la cohérence des couleurs sont cruciales.

Les roues des couleurs

Pourquoi utilise-t-on une roue pour représenter les couleurs alors que dans l’arc en ciel le rouge et le violet ne se touchent jamais ?
De fait les couleurs ne cyclent pas comme les notes de la gamme ! Dans le spectre visible (à l’humain), les longueurs d’onde se répartissent sur un axe qui va du rouge (environ 700nm) au violet (environ 380nm).

La roue des couleurs est une construction qui représente notre perception psychologique mais également physiologique des couleurs. Notre cerveau perçoit une continuité naturelle entre le rouge et le violet à travers les pourpres (qui n’existent pas dans le spectre lumineux pur). Ces couleurs pourpres sont créées par la stimulation simultanée des photorécepteurs sensibles au rouge et au bleu.

Cette perception circulaire des couleurs n’est pas arbitraire. Les cellules de notre rétine et notre cerveau encodent les couleurs de manière antagoniste (rouge-vert et jaune-bleu), créant naturellement une organisation circulaire.

La roue des couleurs est donc un outil pratique qui représente non pas la physique de la lumière, mais plutôt comment nous percevons et relions les couleurs entre elles. C’est pourquoi elle est particulièrement utile en art et en design, où l’important est la perception humaine des couleurs et leurs relations harmoniques.

Suivant que l’on travaille avec des pigments (peinture, teinture, impression) ou avec des photons (photo, écrans), on utilise deux roues des couleurs différentes. La plus commune, et de loin, est la roue dite des peintres, c’est à dire une roue « soustractive », rouge, jaune, bleue. C’est le plus souvent celle que l’on utilise pour savoir si des couleurs « vont bien ensemble » parce que culturellement, elle est utilisée depuis très lontemps.

Mais pour le photographe ou le graphiste, comme toute la chaine de traitement de la photo numérique aujourd’hui travaille en RVB, il est très utile de disposer d’une roue des couleurs qui permette par exemple de savoir comment corriger une couleur : faut-il ajouter plus de jaune ou soustraire du cyan pour obtenir une teinte souhaitée ?
Les deux roues des couleurs ci-dessous, dessinées par Claude Attard, donnent en synthèse soustractive et en synthèse additive :
– les noms vernaculaires des couleurs
– leurs composantes RVB dans un système 16 bits (256 niveaux par couleur),
– le code couleur hexadécimal qui dans photoshop permet d’indiquer rapidement cette couleur (auquel on peut ajouter #000 pour le noir, #fff pour le blanc et #808080 pour le gris neutre)
– la position en degrés de la teinte sur la roue.
L’orientation des angles sur les roues chromatiques suit le sens trigonométrique, c’est-à-dire dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, en partant de l’axe horizontal vers la droite (0°).

Roue chromatique des peintres - crédit : Claude Attard
Roue chromatique des peintres – crédit : Claude Attard
Roue chromatique RVB "numérique" - crédit : Claude Attard
Roue chromatique RVB « numérique » – crédit : Claude Attard

Des couleurs et des émotions

Concernant les roues, on peut également citer la roue des émotions. Cest une représentation circulaire qui classe les émotions humaines en catégories interconnectées. Conçue à l’origine par le psychologue américain Robert Plutchik dans les années 1980, cette roue illustre la relation entre différentes émotions primaires et secondaires. Cest un outil qui permet de mettre des mots sur les émotions, pour mieux les identifier, les comprendre et les appréhender. Elle est largement utilisée dans les domaines de la médiation, de la psychologie, de la thérapie et de l’éducation pour aider adultes et enfants à mieux comprendre et à gérer leurs émotions.

Cette roue est intéressante mais elle ne montre pas une donnée pourtant fondamentale de notre perception des couleurs qui est que chaque couleur sans exception a un versant positif, et un versant négatif, comme nous le verrons dans un autre article (en préparation !).

La roue des couleurs et des émotions de Robert Plutchik
La roue des couleurs et des émotions de Robert Plutchik

Règles d’harmonie

Il en va des « règles d’harmonie des couleurs » comme des règles de composition. Il est utile de les connaître, de les comprendre et de savoir les utiliser, pour pouvoir éventuellement s’en affranchir, en toute connaissance et avec une intention maîtrisée, ce qui n’est pas donné à tout le monde, loin de là !
On prend certes moins de risques à s’habiller en noir et blanc qu’en orange et rose, deux couleurs réputées pour ne pas s’aimer.
De grands coloristes savent s’en affranchir, et je pense en particulier à Yves Saint Laurent.
Pour Pierre Bergé, Yves Saint Laurent doit ses audaces au Maroc, « à la violence des accords, à l’insolence des mélanges, à l’ardeur des inventions ». Et tandis que la lumière crue du soleil marocain ravive les sensations de son enfance oranaise, une véritable symphonie de couleurs s’offre à lui dans le Jardin Majorelle. Ecoutez Michel Pastoureau parler de ce génial coloriste dans ce podcast.
Comme M. Pastoureau le souligne, les teinturiers, les modes vestimentaires, ont eu beaucoup plus d’importance que les peintres dans l’histoire des couleurs.

Veste, Yves Saint Laurent
Veste, Yves Saint Laurent
Adobe color : site web d'analyse des couleurs
Adobe color : site web d’analyse des couleurs

Apprendre à analyser une photo en termes de couleurs, d’harmonie, savoir utiliser une palette de couleurs pour donner un style particulier à une photo, cela ne s’invente pas. La formation sur la colorimétrie que propose Olivier Rocq traite avec de nombreux exemples et mises en pratique de toutes ces notions. Cette formation est également proposée dans les formations longues sur Lightroom et photoshop, logiciels qui disposent de multiples outils pour modifier les couleurs. Savoir les utiliser transforme une photo banale en une photo qui retient l’attention.

Une bonne façon de se former en colorimétrie, c’est de repérer des ambiances colorimétriques qui nous plaisent, dans des peintures, des photos mais aussi dans des séries ou des films et de chercher à les reproduire. Le site web Adobe color permet d’extraire les couleurs dominantes d’une photo (hélas seulement en jpeg) et de voir comment ces couleurs se disposent sur la roue.

Conclusion

Le vocabulaire que nous utilisons pour parler des couleurs vient d’une époque où les couleurs étaient classées comme le faisait Aristote, en fonction de leur luminosité, et non selon le spectre Newtonien. De même, lorsque nous analysons aujourd’hui un tableau ancien il faut se rappeler que le bleu a longtemps été considéré comme une couleur chaude et le jaune comme une couleur froide et se garder donc de conclusions inversées sur les choix de l’artiste.

Nos savoirs, d’aujourd’hui, quels qu’ils soient, ne sont pas des vérités. Ce sont des étapes dans l’histoire des savoirs et ce que les plus grands physiciens et les plus grands chimistes pensent aujourd’hui en matière de couleur fera sourire les physiciens et les chimistes dans quelques siècles.
Donc, ne nous moquons pas de nos prédécesseurs qui avaient d’autres idées, d’autres classements, d’autres définitions de la couleur.

La couleur est beaucoup plus qu’une donnée physique. Vouloir réduire une couleur à une formule RVB ou L*a*b*, c’est ignorer toute sa signification symbolique, l’importance de notre perception, de l’environnement. S’il est important, et très intéressant, de comprendre comment les couleurs s’harmonisent entre elles, il faut savoir aussi se détacher de calculs trop rigides pour laisser parler sa sensibilité.

L’expression « des goûts et des couleurs on ne discute pas » vient du latin « De gustibus et coloribus non disputandum » (littéralement : « À propos des goûts et des couleurs, il ne faut pas disputer »).
Cette expression serait apparue au Moyen Âge, à une époque où la perception et la dénomination des couleurs étaient très subjectives et variaient considérablement selon les régions et les cultures. Les marchands de tissus et de teintures rencontraient souvent des difficultés à s’entendre sur les noms et les nuances exactes des couleurs, ce qui menait à des disputes commerciales.
Mais il y a une certaine ironie dans cette expression car aujourd’hui, contrairement à ce qu’elle suggère, nous pouvons précisément discuter des couleurs grâce à la colorimétrie. Les espaces colorimétriques comme L*a*b* permettent de mesurer et de quantifier objectivement les différences entre les couleurs.
L’expression s’utilise donc maintenant plutôt pour parler des préférences esthétiques subjectives que des couleurs elles-mêmes. Elle souligne que les jugements de goût sont personnels et qu’il est inutile d’essayer d’imposer ses préférences aux autres.

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