Quand on découvre le traitement des photos numériques c’est une question qu’on se pose fréquemment tant il est facile d’aller trop loin.
Prévoir sa photo dès la prise de vue
Idéalement, dès la prise de vue sur le terrain, on a en tête la photo finale, développée. Idéalement, car pour ça il faut déjà bien connaître les possibilités offertes par les logiciels de développement et les avoir pas mal pratiqués pour savoir ce qui est faisable ou pas et il faut bien débuter un jour. Mais on ne rattrape pas au développement une photo sans sujet.
Il faut aussi avoir pris le temps d’analyser beaucoup de photos. Analyser une photo, comprendre pourquoi telle photo « fonctionne » et pas telle autre, cela s’apprend, se cultive. En regardant des photos, des expositions, en s’intéressant au travail d’autres photographes et en cherchant à dire autre chose que « j’aime » ou « j’aime pas ».
Je ne saurai que trop recommander deux livres passionnants sur ce sujet de Philippe Body : La grammaire de l’image- les secrets de la composition et le tome 2 : l’écriture photographique, (en vente sur Amazon uniquement). Après avoir lu, relu, et travaillé avec ces deux livres (bon OK et aussi après un voyage photo avec lui au Cambodge en 2023 😁), j’ai fait un grand pas dans ma façon de prendre des photos.
Prévoir sa photo dès la prise de vue c’est d’abord s’assurer de disposer au moment du développement d’un raw net, bien exposé, en ayant choisi la profondeur de champ pour mettre en évidence le sujet. Si certaines erreurs sont récupérables au développement, la plupart ne le sont pas. Une photo surexposée avec un ciel cramé ou une grande partie de la photo complètement noire, bouchée, sera inexploitable ou presque, même en utilisant un profil linéaire. De même, bien que des logiciels comme Sharpen de Topaze permette dans une certaine mesure de diminuer le flou de bougé ou d’augmenter le piqué, il n’y a pas de miracle et mieux vaut partir d’un bon cliché de départ. Si la dynamique de la scène est très importante (forts contrastes), il faut prévoir de bracketer pour disposer de plusieurs expositions qui ensemble couvriront toute la dynamique.
Cela va sans le dire, mais mieux en le disant : quand on prend des photos en Jpeg, c’est comme si on se mettait des boulets aux pieds pour courir un 100m. Le raw offre bien plus de qualité, et de possibilités de traitement.
Destination de la photo
Certaines photos sont de simples photos souvenir, pour soi, qui n’ont même pas vocation à être montrées à d’autres. Mais en général on prend des photos pour transmettre une émotion. La personne qui n’était pas là au moment de la prise de vue et qui regarde votre photo n’a pas partagé votre émotion. Ne pas traiter immédiatement ses photos aide en général un peu à se dégager de sa propre émotion du moment et à se mettre à la place du spectateur.
Il faut aussi se demander qui va regarder cette photo et dans quel contexte. On ne traite pas une photo de la même façon suivant que c’est une photo souvenir d’un bon moment, un portrait posé, une photo de rue prise à la volée, une photo artistique ou une photo de reportage qui sera accompagné d’un texte.
Beaucoup de gens, surtout des non photographes, reprochent à ces derniers de ne pas être « fidèle à la réalité ». La notion de « réalité » elle-même pourrait faire l’objet de discussions sans fin. Pour ma part ce qui me parait essentiel c’est de ne pas prétendre l’être quand on cherche à rendre une émotion comme on le ferait en peignant un tableau. Le tout c’est de le dire, de le revendiquer. D’où l’importance de savoir dans quel cadre on se place. Enlever une voiture, des poteaux électriques ou des touristes n’a pas la même signification, la même légitimité suivant la destination de la photo.
Un premier développement
Au moment de la prise de vue on peut avoir une idée précise de la photo finale, mais pas toujours. On peut sentir que la scène « a du potentiel » sans nécessairement savoir comment l’exploiter.
Avant d’envisager des traitements très particuliers, avec un style marqué, fine art, colorimétrie marquée ou autre, il peut être utile de réaliser un premier développement « naturel », le plus proche possible de ce que l’on se souvient d’avoir vu à la prise de vue. Régler la balance des blancs, l’exposition pour récupérer la dynamique de la scène. Ce premier développement permet de mieux voir les points forts de la photo, ce que l’on souhaite mettre en avant en jouant sur le cadrage, la lumière, la couleur, le vignetage, l’ajout de flou ou de netteté, l’effacement éventuel de certains éléments…
Et il est grandement recommandé de faire une pause dans le développement, et de ne reprendre l’analyse de la photo que quelque temps plus tard.
Faire des copies virtuelles
Un avantage très important de lightroom c’est la possibilité de créer autant de copies virtuelles que l’on veut. Cela permet de créer plusieurs versions du même fichier et de les comparer. Et de comparer chaque traitement « poussé » au traitement « naturel ». Classiquement, on « en fait trop ». On a souvent tendance au moment du traitement à trop pousser les curseurs, ce qui donne facilement des images trop nettes, saturées, « croustillantes ». Laisser reposer quelques heures ou quelques jours et regarder sa photo d’un oeil neuf permet de s’en rendre compte. Après… chacun a sa propre sensibilité artistique et celle-ci évolue. Plus on regarde de photos, plus on apprend à les analyser et plus on reprend ses anciens développements !