Lorsqu’une « image » est entièrement générée par une intelligence artificielle sans qu’aucun déclenchement d’appareil photo n’ait eu lieu, a-t-on encore le droit de parler de « photo » ou s’agit-il d’une usurpation du terme qui trompe le public et porte atteinte à la profession de photographe ?

J’ai posé cette question à 6 IA et voici leurs réponses.
Cet article est le second de la série Ce que les IA disent de leur impact en photo
N’hésitez pas à partager votre propre réponse dans les commentaires !
ChatGPT
Il est vrai qu’une image générée à 100% par IA sans capture initiale d’un appareil photo ne peut, techniquement, pas être qualifiée de photographie au sens strict. Cependant, la confusion vient moins de l’outil que du vocabulaire.
Il serait plus juste de parler d’image générée ou d’illustration synthétique, ce qui est déjà en train de s’imposer dans les milieux professionnels sérieux. En d’autres termes, le risque d’usurpation vient surtout d’un mauvais étiquetage ou d’une intention trompeuse, pas de l’existence même de ces images.
De plus, il ne faut pas sous-estimer l’intention artistique ou créative qui sous-tend la création d’une image par IA : choix des prompts, ajustements successifs, vision artistique, tout cela relève d’une forme de démarche créative, même si elle diffère du geste photographique traditionnel.
La défense plaide donc pour une clarification des termes, non pour une diabolisation systématique des images générées.
Perplexity
Non, une image générée uniquement par IA ne devrait pas être qualifiée de « photo ». La photographie implique par définition l’utilisation d’un appareil pour capturer la réalité. Employer le terme « photo » pour une image générée par IA relève d’une confusion, voire d’une tromperie, qui peut nuire à la crédibilité du médium et à la profession de photographe. Un vocabulaire distinct (image générée, création numérique, etc.) est donc nécessaire pour préserver la clarté et l’éthique.
Claude.ai (anthropic)
Une image entièrement générée par IA ne peut légitimement être appelée « photographie » au sens strict. Le terme « photo » implique étymologiquement l’écriture par la lumière, nécessitant une capture du réel par un dispositif optique.
Utiliser « photo » pour désigner une création IA constitue effectivement une confusion terminologique qui peut tromper le public. Il serait plus approprié de parler d' »image générée par IA », d' »art numérique » ou de « création synthétique ». Cette précision terminologique protège à la fois la profession photographique et l’information du public.
Le Chat
Non, une image entièrement générée par IA sans utilisation d’un appareil photo ne peut pas être considérée comme une photographie au sens traditionnel. Utiliser le terme « photo » pour ces images pourrait être trompeur et minimiser le travail des photographes professionnels. Il serait plus approprié de parler de « créations visuelles générées par IA » pour éviter toute confusion et respecter l’intégrité de la photographie traditionnelle. Par exemple, une image générée par IA d’un paysage qui n’existe pas dans la réalité ne peut pas être considérée comme une photographie au sens traditionnel.
Copilot
Le mot « photo » signifie « écriture par la lumière ». Quand aucun capteur ni film n’est impliqué, l’IA ne capture rien : elle recompose des pixels à partir de modèles statistiques. Appeler ça une « photo » confond deux registres :
– La photographie, médium d’archive et de témoignage.
– L’image de synthèse, médium de création pure. Cette usurpation sème la confusion dans l’esprit du public et risque de dévaloriser le savoir-faire des photographes, dont le métier consiste à maîtriser la prise de vue, la lumière, l’instant décisif.
Gemini
La question de savoir si une image entièrement générée par l’IA, sans aucune capture par appareil photo, peut légitimement être appelée « photo » est au cœur d’un débat terminologique intense, avec des implications profondes pour la perception publique et l’identité professionnelle des photographes.
La Définition Fondamentale de la « Photographie »
À la base, la photographie est définie par l’acte de capturer la lumière sur un capteur ou un film, créant ainsi un « enregistrement d’un moment physique ». Le concept d’une « œuvre d’art originale » en photographie est fondé sur des « photographies prises par l’artiste », soulignant l’acte humain de capture. Le terme « photo » véhicule intrinsèquement la connotation d’un lien direct et indexical avec une scène physique capturée par un appareil photo.
Arguments Contre l’Application du Terme « Photo » aux Images Générées par IA
De grandes institutions photographiques rejettent explicitement cette équivalence. Le World Press Photo Contest, par exemple, déclare sans équivoque que « les images générées par l’IA ne sont pas de la photographie ». Leurs règles stipulent que les participations doivent être « réalisées avec un appareil photo basé sur un objectif ». L’absence de « déclenchement d’appareil photo » signifie qu’aucune lumière physique n’a été capturée, faisant de l’image une construction « synthétique » ou « artificiellement générée ».
La préoccupation majeure est que l’utilisation du terme « photo » pour le contenu généré par l’IA constitue une « usurpation du terme », susceptible de tromper le public et de nuire à la crédibilité et au statut professionnel des photographes. D’un point de vue juridique, les œuvres « entièrement générées par une IA ne peuvent pas être protégées par le droit d’auteur » dans des juridictions comme les États-Unis, ce qui les distingue implicitement des « photographies » créées par l’homme.
Arguments en Faveur (ou Vues Nuancées) de l’Application du Terme « Photo » ou d’un Terme Connexe
Les partisans de la « promptographie » considèrent l’IA comme un outil révolutionnaire qui redéfinit l' »art photographique », déplaçant le rôle de l’artiste vers une « direction artistique textuelle ». Cette perspective suggère une définition plus large de l’art visuel qui englobe la création par l’IA. Certains soutiennent que le débat traditionnel sur la « fausseté » dans la publicité (où les images sont intrinsèquement fictionnelles) ne devrait pas être confondu avec les capacités génératives de l’IA ; l’accent devrait plutôt être mis sur l’utilisation transparente de l’IA comme outil promotionnel. Le processus itératif de raffinement des images générées par l’IA, qui implique souvent du post-traitement et de la retouche, peut estomper les frontières avec les flux de travail photographiques traditionnels. Le terme plus large « art IA » est déjà largement accepté pour les œuvres créées par une personne utilisant l’IA , suggérant une nouvelle catégorie d’expression visuelle qui peut ou non s’aligner pleinement sur la « photographie ».
Implications Terminologiques sur la Perception Publique et l’Identité Professionnelle
L’usurpation du terme « photo » peut gravement induire le public en erreur, en particulier dans des contextes critiques comme le photojournalisme, où la précision et une représentation fidèle de la réalité sont primordiales. Cela soulève des questions éthiques fondamentales pour les rédactions concernant le statut des images générées par l’IA : « Quel est le statut d’une image générée par l’IA? Est-ce que la photographie publiée est une représentation du réel? A-t-elle été prise par un photographe? ».
La crise de l’indexicalité de la photographie est au cœur de ce débat. La définition de la « photo » repose sur sa relation indexicale à la réalité – c’est une trace directe de la lumière d’un moment spécifique. Les images générées par l’IA rompent ce lien fondamental, créant un « simulacre » plutôt qu’un « enregistrement ». Le débat sur le terme « photo » n’est donc pas seulement sémantique ; il s’agit d’une crise épistémologique qui remet en question la nature même de la vérité et de la preuve dans les médias visuels. Si le public ne peut pas distinguer de manière fiable une image capturée d’une image synthétisée, le pouvoir probant de la photographie, essentiel pour le journalisme et les contextes juridiques, est profondément compromis, entraînant une « crise de confiance ».
L’afflux d’images générées par l’IA affecte également la valeur perçue et la viabilité économique des photographes professionnels. Les outils d’IA permettent aux amateurs de produire des visuels de haute qualité, intensifiant la concurrence des prix. Cela met en évidence la pression concurrentielle sur les photographes professionnels. Si l’IA peut générer des résultats « photoréalistes », la proposition de valeur unique d’un photographe humain se déplace. Les professionnels doivent s’adapter en mettant l’accent sur leurs attributs humains irremplaçables : la connexion émotionnelle, la compréhension contextuelle, l’expérience directe et l’interaction avec les clients. Cela pourrait mener à une bifurcation du marché du contenu visuel, où la valeur réside davantage dans l’authenticité de l’expérience humaine que dans la seule prouesse technique.
Synthèse (faite par Chat GPT)
Les six IA interrogées s’accordent globalement sur un point : une image entièrement générée par intelligence artificielle, sans capture par appareil photo, ne peut pas être qualifiée de photographie au sens strict.
Cependant, plusieurs nuances émergent :
- ChatGPT : Prône la clarification des termes. Les images IA relèvent d’une démarche créative, mais ne sont pas des photos. Le risque vient d’un mauvais étiquetage.
- Perplexity : Non, ce n’est pas une photo. Employer ce terme trompe le public et nuit à la profession. Un vocabulaire distinct s’impose.
- Claude.ai : Refus catégorique d’appeler « photo » une création IA. Défend la précision terminologique pour préserver la photographie et informer correctement le public.
- Le Chat : Même position : pas de confusion, le terme « photo » est inadapté. Il faut parler de créations visuelles générées par IA.
- Copilot : Souligne la différence fondamentale : la photographie capture la lumière et le réel ; l’IA ne fait que générer des pixels. Employer le mot « photo » est une usurpation.
- Gemini : Analyse très poussée. Distingue clairement la photographie, liée à la capture du réel, des images IA, qui rompent ce lien fondamental. Le débat dépasse la simple sémantique : il touche à la confiance du public et à l’avenir de la profession photographique.
En résumé, toutes les IA rejettent le terme « photo » pour désigner une image générée par IA, mais certaines insistent davantage sur l’importance de la précision lexicale et des enjeux éthiques, tandis que d’autres explorent les nouvelles formes d’art que permet l’IA, sans pour autant brouiller la frontière avec la photographie traditionnelle.
Suite …
Les réponses des IA à la troisième question que je leur ai posée sont dans cet article