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Espaces et profils colorimétriques, comprendre la différence

Les notions d’espaces et de profils colorimétriques sont souvent l’objet de beaucoup de confusions. Pour mieux comprendre ces notions, comparons la lumière et le son

Le son
Un son est défini en physique par une fréquence. L’oreille humaine n’entend qu’une toute petite partie des sons possibles. D’autres animaux perçoivent des fréquences plus basses ou plus élevées que nous.
L’ensemble des sons que l’oreille humaine peut entendre est appelé l’étendue auditive. Elle dépend à la fois de la tonalité du son – de fréquences faibles à élevées – et de l’intensité sonore. Notre oreille est plus particulièrement sensible à la bande de fréquences comprises entre 2 000 et 5 000 Hz.
La lumière
La lumière est définie par une longueur d’onde. L’oeil humain ne voit qu’une toute petite partie du spectre possible, d’autres animaux ont une vision différente de la notre et perçoivent des couleurs que nous ne percevons pas et inversement.
L’ensemble des longueurs d’ondes que nous percevons, est appelé le domaine visible, il s’étend de 400nm (violet) à 800nm. En deçà de 400nm, ce sont les ultraviolets, au delà de 800nm, les infrarouges. En termes de luminosité, il y a différentes façons de l’exprimer mais pour rester dans le domaine de la photographie, on considère qu’il y a un écart de 24 stops (ou diaphs ou EV) entre les plus hautes et les plus basses lumières que nous percevons.
Le référentiel
Pour communiquer entre eux en parlant de la même chose, les scientifiques ont au fil du temps défini des références :
Le mètre, le kilogramme, la seconde, ainsi que de nombreuses constantes physiques.
En matière de son, il est essentiel pour les musiciens d’être accordés. Ils le font en utilisant une référence commune, le la du diapason qui correspond à une longueur d’onde de 440 Hz à 20°C.
Le référentiel
Tout comme pour le mètre, le kilogramme et la seconde, les scientifiques, et les photographes, ont eu besoin d’une référence pour la lumière.
L’espace colorimétrique L*a*b*, également nommé CIELAB a été défini par la Commission Internationale de l’Éclairage (CIE) en 1976. Toutes les couleurs, les nuances que nous voyons sont incluses dans cet espace colorimétrique LAB. Dans cet espace, qui caractérise des couleurs de surface éclairées par la lumière du jour (normalisée D65), chaque couleur est définie par 3 coordonnées :
– L* qui décrit la luminance de surface. Elle prend des valeurs entre 0 (noir) à 100 (blanc de référence).
– Les deux paramètres a* et b* expriment l’écart de la couleur par rapport à celle d’une surface grise de même clarté éclairé par la lumière du jour (normalisée D65).
a*: Représente la valeur sur un axe vert → rouge.
b*: Représente la valeur sur un axe bleu → jaune (moyen mnémotechnique : b comme bleu)
Une valeur LAB est aussi précise et indépendante du matériel que l’est le la du diapason défini par sa fréquence
Le compositeur
Il entend au printemps des oiseaux, du vent dans les branches, un ruisseau. Ce qu’il entend est inclus dans l’étendue auditive
Il veut composer une musique sur ce thème. Les sons de la nature sont continus : il n’y a pas de saut entre deux fréquences, mais les instruments d’un orchestre classique jouent des notes caractérisées par une longueur d’onde fixe qui correspond à un ton ou à un demi ton (do, do#, ré, ré#….). Le gamut est l’étendue des notes jouables. Ce mot vient de la lettre grecque gamma qui désignait dans l’Angleterre médiévale le sol le plus grave, et de ut le do le plus aigu. « gamma–ut » devint « gamut ».
Le compositeur va donc devoir transposer les sons continus de la nature en notes. Les mêmes notes doivent être jouées avec la même fréquence par tous les instruments, mais tous ne peuvent pas jouer la même étendue de sons : le piano dispose d’un peu plus de 7 gammes, quand la flute ne peut en jouer que 3.
Le photographe
Il assiste à un magnifique lever de soleil. Toutes les couleurs, les lumières sont incluses dans l’espace LAB.
Pour rendre ce spectacle sur une photo imprimée, il va utiliser un boitier photo avec son capteur, un écran, un logiciel et une imprimante qui doivent tous parler le même langage et communiquer. Chacun a ses propres limites et suivant le matériel qu’il utilise, toutes les nuances qui sont présentes dans ce paysage pourront ou ne pourront pas être à la fin affichées ou imprimées.
La musique
Le compositeur transcrit en musique (notes) dans sa tête ce qu’il a ressenti et entendu. Il passe d’un ensemble continu de sons à des notes, dans un premier temps de façon globale sans tenir compte de chaque instrument.
Cet ensemble de notes est un sous ensemble de l’étendue auditive, restreint en particulier dans les hautes et les basses fréquences.
Le fichier raw
Pour capturer le maximum d’informations, notamment dans les hautes et les basses lumières, le photographe prend son boitier et comme c’est un bon photographe, il prend sa photo en raw. Mais même les capteurs des appareils les plus sophistiqués sont incapables de capturer toute l’étendue de la vision humaine. Là ou l’œil a une dynamique d’environ 24 stops, les meilleurs capteurs en 2024 n’atteignent pas la valeur de 15. Pour rappel, la luminosité double entre deux stops donc 9 stops d’écart, c’est énorme. Les très hautes et très basses lumières que notre œil voit ne sont pas enregistrables. A ce stade ces informations numériques (des 0 et des 1) n’ont pas d’espace colorimétrique.
La partition d’orchestre
Au moment d’écrire la partition, le compositeur est restreint par la note la plus haute qu’un instrument au moins pourra jouer (le piccolo) et par la plus basse (la contrebasse ou le tuba). C’est « espace musical » est celui dans lequel il va travailler. Si la composition est écrite pour un quatuor à cordes, ou pour instruments à vents, cet espace de travail change et le compositeur doit en tenir compte.
L’espace colorimétrique de travail : il dépend du logiciel, pas du matériel
Traiter une photo dans un logiciel de traitement d’images c’est effectuer de nombreux calculs. Chaque modification d’un curseur en déclenche pour déterminer l’affichage de chaque pixel. Ces calculs se font dans un espace colorimétrique, c’est à dire dans un modèle mathématique ou à chaque pixel est associé des valeurs de teinte, de luminance et de saturation. Lightroom travaille dans l’espace prophoto uniquement. Dans photoshop on a le choix entre différents espaces (prophoto, RVB98, sRVB…). Toutes les couleurs disponibles dans cet espace, ce qu’on appelle aussi le gamut, ne seront pas nécessairement présentes dans la photo mais il définit les coordonnées des couleurs « limites » qui pourront être utilisées. Si l’espace utilisé limite la saturation à une certaine valeur, même en poussant à fond le curseur de saturation, cette valeur ne pourra pas être dépassée. Il n’y a pas d’intérêt à limiter cet espace de calcul au plus petit (sRVB) car ce serait s’imposer de ne pas utiliser toutes les nuances capturées sur le raw. D’un autre côté, si tous les calculs étaient faits dans l’espace LAB, qu’aucun boitier ne peut capturer dans son entièreté, les calculs pourraient produire des résultats qui seraient très éloignés des capacités d’affichage ou d’impression. Dans photoshop, il est donc recommandé de choisir RVB98, ou même plutôt Prophoto pour rester dans le même espace que celui du module développement de lightroom.
Les partitions de chaque instrument
Le compositeur répartit ensuite la musique (ligne mélodique, soutien..) entre les différents instruments de l’orchestre et écrit pour chacun la partition qui le concerne.
Pendant l’apprentissage de la partition, si le flutiste chez lui n’accorde pas son instrument, sa partie restera harmonieuse, le décalage entre les différentes notes étant conservé.
les profils du boitier, de l’écran, de l’imprimante : ils sont liés au matériel
Pour traduire les informations numériques enregistrées par le capteur en pixels visibles, il faut un traducteur (lightroom ou camera raw chez Adobe). Il faut aussi un « protocole » de traduction. Ce protocole, ou profil ICC (International Color Consortium), c’est un fichier qui décrit les correspondances entre les couleurs d’origine (dans l’espace LAB) et leur rendu par un matériel. Pour établir le profil spécifique à un boitier ou à une imprimante, on utilise une charte de couleur que l’on photographie ou que l’on imprime puis scanne. Un logiciel compare alors les valeurs de référence connues de chaque carré de couleur de la charte avec le résultat obtenu et établit pour ce périphérique ce qu’il doit faire (valeur TSL du pixel sur un écran, quantité et couleur d’encre en un point sur une imprimante) pour que le rendu soit le plus fidèle possible, dans les limites bien entendu des capacités techniques de l’élément considéré. Une imprimante ne pourra jamais imprimer les couleurs complètement saturées, du blanc ou du noir purs. C’est une limite du papier et des encres. Aucun écran ne peut afficher en 2024 toutes les couleurs de l’espace prophoto. Les meilleurs affichent presque tout, ou un peu plus que l’espace RVB98. Le profil RVB98 (et non pas l’espace RVB98…) associé à l’écran (et pas au logiciel) indique à l’écran comment afficher les couleurs. La calibration de l’écran sert à recaler les couleurs pour garder la meilleure correspondance possible. Un profil ICC décrit donc à la fois le gamut du périphérique associé ET un relevé de ses défauts.
Si un écran affiche un gris neutre un peu verdâtre, le profil de l’écran après calibration dira à l’écran : au lieu d’afficher le 128,128, 128 que tu lis sur ce fichier numérique (mais que non calibré tu affiches de telle sorte qu’un écran calibré le voit comme 128, 128, 132), affiche un 128,128,122 pour que le gris neutre apparaisse bien neutre. Donc le profil relève tous les défauts par rapport à des valeurs calibrées et donne une table de correspondance de sorte que les déviations soient corrigées.
Remarque : quand on n’a pas défini soi même un profil colorimétrique pour son boitier en le calibrant à l’aide d’une charte de couleur, on applique au raw un des profils colorimétriques par défaut proposés par Adobe mais il faut voir ces profils comme des interprétations « artistiques » plus que comme un profil au sens strict du terme. C’est juste une « recette » qui traduit le fichier numérique en une image visible avec un aspect plus ou moins contrasté, saturé…
Le concert
Avant le concert, chaque instrumentiste accorde son instrument en utilisant une référence commune (le diapason, ou le la joué souvent par un violoniste) de sorte que l’ensemble soit harmonieux.
La chaîne de traitement de la couleur
Lorsque tous les périphériques ont été étalonnés, avec une référence commune qui est l’espace LAB, on s’assure d’avoir une représentation la plus fidèle possible des couleurs de la prise de vue à l’impression.
Comme l’espace colorimétrique sur le web est en général limité au sRVB (même quand on a un écran capable d’afficher plus de couleur que cela !), ou bien lorsqu’on veut imprimer une photo, il faut s’assurer que toutes les couleurs de la photo soient bien affichables sur le web ou imprimables. C’est le but de l’épreuvage d’écran ou d’impression. Si certaines couleurs ne sont pas reproductibles, il faudra les corriger.

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