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Ecrêtage et compression tonale

Lorsqu’un ton est en dehors d’un espace colorimétrique, l’écrêtage supprime les valeurs extrêmes, la compression tonale adapte l’image au support final. L’impact sur la qualité de l’image est très différent.

Le problème

Comparaison de différents gamuts

Il y a de grandes différences de dynamique et d‘espaces colorimétriques entre ce que nous voyons, ce que le capteur de notre boitier enregistre, ce qu’un écran standard (SDR) ou à large dynamique (HDR) est capable d’afficher, et ce qu’une imprimante peut faire.

La plage dynamique de l’œil humain est très étendue, de l’ordre de 20 stops, mais l’œil ne peut pas percevoir toute la plage en même temps. Celle des capteurs varie entre 12 et 15 stops. A chaque stop la quantité de lumière double, la différence est donc considérable entre 15 et 20 stops. Seule une fraction de ce qui est enregistré peut être affiché sur un écran, limité de 6 à 14 stops suivant sa qualité. Et une plus petite fraction seulement de ce qui est affiché peut être imprimé.

La comparaison exprimée en stops ci-dessus, peut aussi s’exprimer en nits. Le nit (1 nit = 1 candela/m²) est l’unité de référence pour caractériser les écrans. Les valeurs en nits sont fortement influencées par les conditions d’éclairage.
– Vision humaine : 0.0001 à 1 600 000 nits
– Capteurs photo : environ 0.1 à 16 000 nits
– écrans HDR : 1000 à 4000
– écrans SDR : 100 à 300
Cette unité n’a pas de sens pour des documents imprimés.

Comment faire pour imprimer ce que j’ai vu et pris en photo ?

Ecrêtage et compression tonale

Le gradient au centre ci-contre représente les différentes valeurs de luminosité d’une photo affichée à l’écran. Mais l’imprimante n’est capable d’imprimer que la gamme matérialisée par le cadre bleu.
Si les valeurs situées au dessus de ce cadre sont écrêtées, comme à gauche, elles seront toutes imprimées avec le ton le plus blanc que peut fournir l’imprimante. Cela va créer des aplats blancs sans aucun détail.

A droite, la compression tonale, encore appelée mappage de ton local, est le processus qui permet d’adapter progressivement les tons qui sont en dehors du gamut afin de conserver des nuances et un certain équilibre de la photo. Les valeurs hors du cadre bleu sont individuellement modifiées et réparties de façon à conserver des nuances.

Ce qui est illustré ici en noir et blanc est bien entendu vrai pour chaque couche RVB.

Ecrêtage

L’écrêtage (clipping en anglais) se produit lorsque les valeurs d’intensité d’une image qui dépassent la plage qu’un dispositif peut afficher (son gamut) sont ramenées à la valeur la plus élevée de luminosité/couleur de ce dispositif.

Plusieurs situations peuvent entraîner un écrétage :

Ecrêtage à la prise de vue

La situation la plus fréquente c’est la surexposition.
Un photosite ne peut pas emmagasiner indéfiniment de la lumière. Il sature. Au delà, que l’on double, triple ou quadruple le temps d’exposition, la valeur enregistrée sera toujours la valeur maximale : le 100% de luminosité pour ce photosite. Toutes les valeurs au dessus de ce 100% sont donc écrêtées, c’est à dire ramenées à ce 100%.

Ecrêtage à l’affichage

L’écrêtage se produit également Si l’écran n’est pas capable d’afficher des nuances qui ont pourtant été enregistrées par le capteur. On peut ainsi avoir l’impression qu’une photo est surexposée alors qu’en réalité c’est l’écran qui nous prive de ces nuances. Ceci est illustré dans cet article et ci-dessous, où l’utilisation du mode de développement HDR, même avec un écran SDR, permet de récupérer ces nuances, au moins en grande partie.

Ci dessous, à gauche la photo présente des zones de surexposition. Sans faire aucun réglage, juste en cochant les cases HDR et aperçu de l’affichage SDR ensuite, on observe une très bonne récupération des hautes lumières et des couleurs. Il n’y a eu aucun autre développement sur ces deux photos.

Plusieurs zones paraissent surexposées
Récupération des hautes lumières en cochant les cases HDR et SDR

Ecrêtage lors du traitement

Si on pousse les curseurs trop loin, on peut facilement écrêter les valeurs les plus hautes ou les plus basses. Les outils de sur et sous exposition situés sur l’histogramme permettent de visualiser facilement les limites.

Dans photoshop, plusieurs modes de fusion peuvent entraîner un écrêtage. Un mode de fusion c’est une opération mathématique entre la valeur du pixel d’un calque (exprimée sur une échelle de 0 à 1) avec celle d’une autre calque. Plusieurs de ces calculs peuvent aboutir à un écrêtage. C’est donc un point à toujours surveiller pendant le développement.

Ecrêtage à l’exportation ou à l’impression

Dans lightroom et photoshop on travaille dans l’espace colorimétrique RVB98 ou prophoto. Sur le web, l’espace colorimétrique est généralement le sRVB qui est plus restreint. Si on publie directement sur le web une photo développée en prophoto, tous les tons situés en dehors du sRVB seront brutalement ramenés à ses « bords » et, comme illustré plus haut, cela créera des aplats tout à fait disgracieux.

Le même problème se produit si on ne prépare par une photo avant de l’imprimer. S’il y a des couleurs que l’imprimante ne peut pas imprimer, par exemple un bleu pur (0, 0, 255), elle ne va pas laisser de trou. Elle va mettre le bleu le plus proche possible. Mais tous les bleus hors de son gamut seront imprimés avec la même couleur de substitution, créant là encore des aplats.

Compression tonale

La compression tonale peut être mise en oeuvre automatiquement ou de façon dirigée.

Compression automatique ou « non contrôlée »

Affichage d’un fichier raw : lorsque on affiche un raw qui a une dynamique de 14 stops sur un écran dont la dynamique est limitée à 8, il se produit une compression tonale. Cette compression est déterminée par le profil de développement utilisé, qui donne plus ou moins d’importance aux tons clairs, sombres, aux contrastes, mais également par les paramètres d’affichage du système d’exploitation et par les capacités physiques de l’écran. Le même raw affiché sur deux machines différentes ne sera pas nécessairement identique. Mais, dans certaines limites, il y a une adaptation des tons hors gamut pour garder des différences, et donc des nuances entre eux.

Conversion 32-16 bits : Une image HDR en 32 bits peut stocker des valeurs HDR bien au-delà de 1.0 (blanc standard). Si on convertit cette image en 16 bits, cela entraine une compression tonale puisqu’il faut faire « rentrer » ces hautes valeurs dans la plage [0-1].

En revanche, lorsqu’on convertit un fichier 16 bits en 8 bits, la plage dynamique reste identique. On réduit le nombre de valeurs possibles pour coder chaque niveau de luminosité, mais la relation entre les niveaux reste linéaire.

Jpeg : Une compression se produit également lors de la compression jpeg sans que nous n’ayons la main sur les paramètres de cette compression.

Compression tonale contrôlée

Préparation d’une photo pour impression :

C’est un bon exemple de situation où l’on contrôle la compression tonale. Cette préparation consiste à vérifier avec le profil ICC du couple imprimante papier que tous les tons de l’image peuvent être imprimés correctement, et à corriger les tons hors gamut si ce n’est pas le cas. Cette problématique est abordée dans ces différentes articles.

Ci-dessous, à gauche une photo de fête foraine au Cambodge. Exportée en sRVB pour être visible sur cette page, elle est déjà bien mois lumineuse et saturée que sur mon écran en SDR, et bien moins encore qu’en HDR. Il y a surtout beaucoup moins de détails dans les hautes lumières car le passage de l’espace prophoto au sRVB a « tassé » les couleurs les plus saturées pour les faire rentrer dans l’espace sRVB.

Pour savoir comment cette photo sortira à l’impression je coche la case « épreuvage écran » dans le module développement de lightroom (en bas) et je sélectionne à droite le profil de l’imprimante avec le papier choisi. En haut à droite de l’histogramme, le triangle affiche en rouge tous les tons qui ne seront pas imprimés correctement. C’est ce que l’on voit au centre ci-dessous.

Pour obtenir une image acceptable à l’impression, il faut désaturer les couleurs les plus vives, soit globalement, soit avec l’outil couleur du point qui est pratique pour ça. Les couleurs non imprimables sont ainsi progressivement ramenées dans l’ensemble des couleurs imprimables, en respectant des différences de tons au lieu de créer des aplats. L’image est nécessairement plus terne que ce que l’on voit à l’écran et on peut être décu de ce rendu. Mais il faut garder en tête que l’imprimante ne pourra pas faire mieux et il est largement préférable de contrôler soi même la désaturation partielle plutot que de laisser l’imprimante écrêter ce qu’elle ne peut pas imprimer.

Tone mapping ou carte de gain

Lorsque l’on développe une photo en vue de l’afficher sur un écran HDR, il faut prévoir ce qui sera affiché sur un écran SDR, ceux-ci étant les plus répandus actuellement.
Pour cela, dans lightroom comme dans photoshop/camera raw, on peut ajuster différents paramètres pour présenter une image SDR certes moins lumineuse et contrastée que sa version HDR, mais qui soit agréable.

Ce qui est exporté, c’est un fichier au format jpeg ou AVIF qui contient l’image SDR et une carte de gain (tone mapping).

Cette « carte » est en fait un convertisseur mathématique des valeurs des pixels des hautes lumières.
Par défaut, c’est l’image SDR qui est affichée, et la carte de gain permet de transformer dynamiquement cette image pour la rendre compatible avec un affichage HDR. Elle réétale les informations de luminosité pour l’écran HDR et restaure les détails dans les hautes lumières.

Conclusion

En résumé :

👉 L’écrêtage (clipping) coupe les valeurs extrêmes, ce qui mène à une perte de détails et à la création d’aplats.
👉 La compression tonale (tone mapping) ajuste progressivement la plage des couleurs pour conserver le maximum de nuances.

Et il faut s’efforcer d’éviter au maximum l’écrêtage, même si pour cela il faut désaturer localement et diminuer la luminosité pour adapter l’image au support.

2 commentaires sur “Ecrêtage et compression tonale”

  1. Toujours aussi intéressant même si j’avoue je vais le relire ,comme plusieurs de tes articles pour bien comprendre toutes les subtilités et en parler avec les amis du club…intéressés.Par contre il me semble que ton doigt à fauter à un endroit je te mets le contexte:
    Pour cela, dans lightroom comme dans photoshop/camera raw, on peut ajuster différents paramètres pour présenter une image SDR certes moins lumineuse et contrastée que sa version SDR, mais qui soit agréable.
    Je pense que tu voulais dire : Que sa version Hdr.
    Bravo et merci FotoFlo pour tous ces articles »techniques » qui doivent et vont nous aider.

    1. Merci Daniel de ta lecture attentive. N’hésite pas si certains passage ne te semblent pas clairs à le dire. Certaines notions ne ont pas toujours très faciles à expliquer 🙂

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