Il parait que l’on apprend de ses erreurs. C’est vrai en photo comme pour le reste. Et on voit souvent mieux les erreurs des autres que les siennes. D’où le titre de cet article, un peu provocateur c’est vrai 😁.
Avant de continuer, je vous suggère d’aller sur un groupe photo sur facebook ou sur un site web de photos de différents auteurs et d’y faire défiler rapidement des photos.
Quelles sont celles que vous ne regardez qu’une fraction de seconde ? Pourquoi ?
Essayez de faire ensuite la même chose avec votre propre photothèque en faisant abstraction du côté émotionnel personnel de la photo.
Pourquoi commencer par parler des photos ratées ? On estime qu’en 2024, il y a eu plus de 1 500 milliards de photos prises dans le monde ! Certes chacun n’en voit qu’une toute petite partie mais tout de même, on ne peut s’attarder que sur une fraction minime de celles auxquelles nous sommes exposés.
Et le premier tri que l’on fait c’est de rejeter ce qui n’est pas lisible. Autant ne pas mettre nos photos dans ce groupe !
Alors oui, nous sommes d’accord, les grands artistes peuvent volontairement faire ce que l’on considère chez les autres comme des erreurs manifestes. Mais si vous faites partie de cette catégorie, il y a fort à parier que vous n’êtes pas en train de lire ces lignes 😉.
Il y a de nombreuses choses qui peuvent détourner notre attention d’une photo mais il y en a quelques unes qu’un photographe amateur doit absolument éviter de faire :
L’erreur majeure : pas de sujet
Une photo peut être très bien composée, sans « faute » technique, si le sujet n’est pas identifiable, s’il est banal, noyé au milieu de nombreux autres éléments, s’il ne dégage aucune émotion, on passe notre chemin. Tout ce qui suit est alors sans objet.
Au delà des erreurs techniques manifestes, c’est l’absence de sujet qui caractérise les photos qu’on ne regarde que le temps de passer à la suivante.
Quand on demande à son auteur pourquoi il ou elle a pris cette photo, quel en est le sujet, et que la réponse c’est « l’ambiance »… il y a surement une marge de progression 😏
Les erreurs techniques manifestes
Pas net
A moins d’avoir des problèmes de vue mal corrigés, nous voyons net ce sur quoi nous portons notre attention. A cause de ça, une photo où rien n’est vraiment net nous dérange. Parfois c’est volontaire, que ce soit pour exprimer le mouvement (filé) comme ci-dessous, ou pour créer des effets artistiques ICM (intentional camera movement). Mais dans ce cas l’intention du photographe doit être évidente. On ne rattrape pas une photo floue en disant que c’était volontaire 😁.

Les causes de flou sont multiples. Cela peut venir d’une mauvaise mise au point, d’une vitesse trop lente, du sujet ou du photographe qui bouge, d’un mauvais choix d’ouverture du diaphragme…
Pour éviter le flou, il faut déjà connaître son matériel et ses propres limites, et donc expérimenter, tester, car avec la photo numérique ça ne coute que du temps.
Mal exposé
On accepte facilement de regarder de vieilles photos avec des blancs cramés, des noirs sans détails parce que nous connaissons les limitations techniques de l’époque. Mais aujourd’hui, on peut éviter cela. Là encore cela passe d’abord par la connaissance de son matériel, des bases du triangle d’exposition et par la pratique.
Il y a des erreurs d’exposition que l’on peut corriger en post traitement, mais ce n’est pas toujours le cas, loin de là. Lorsqu’une photo est vraiment sous exposée, les détails dans les ombres n’ont pas été enregistrés et ne pourront donc pas être récupérés. Même chose pour les hautes lumières d’une photo surexposée, même si grace au développement en mode HDR, on peut presque faire des miracles. Bien sûr, prendre ses photos au format raw (brut) et pas en jpeg, donne beaucoup plus de latitude de correction, et de qualité finale.
Pas droit

Un horizon penché sur une photo attire immédiatement notre attention, particulièrement s’il y a de l’eau. C’est une réaction instinctive issue de notre perception de l’espace et de l’équilibre. Notre cerveau sait que l’horizon est droit grâce à un ensemble de mécanismes impliquant la vision, l’oreille interne et notre perception de l’équilibre. Un horizon de travers, des verticales qui ne le sont pas génèrent une sensation de malaise ou d’instabilité, car notre cerveau cherche automatiquement à rectifier l’image pour qu’elle corresponde à notre perception normale.
Quand on photographie un fjord, ou un lac, même quand la photo a été prise parfaitement d’aplomb, on peut parfois avoir l’impression que ça ne l’est pas. Dans ce cas, il faut corriger ! Ce qui compte ce n’est pas « la vérité » mais le ressenti devant la photo.
Redresser les perspectives reste un choix, particulièrement lorsque la photo est prise au grand angle. Mais si nous comprenons facilement des verticales qui convergent, nous sommes gênés si toutes les verticales penchent d’un côté ou de l’autre. Il faut particulièrement faire attention aux verticales qui sont au bord de la photo. Le bord lui est parfaitement vertical et le moindre décalage est alors fortement souligné.
Trop compliqué

Les images trop complexes sont difficiles à lire. A moins de vouloir jouer à « où est Charlie » le lecteur ne reste pas sur une photo dont il ne perçoit pas immédiatement le sujet ou qui fourmille de petits éléments. C’est encore plus vrai s’il y a plusieurs sujets dans la même photo.
Cette photo n’a pas de sujet évident, la ligne directrice nous fait sortir de l’image. Je zappe !
Mal composé
Ce point essentiel est développé dans cet autre article mais sans avoir besoin de longues explications, on voit tout de suite que la photo de droite, prise à quelques pas de celle de gauche, est plus équilibrée et que le sujet s’identifie plus facilement.


Photographier c’est choisir
Quand on n’a pas de talent, on dit tout. L’homme de talent choisit et se contient. (Quintilien)
Une erreur fréquente quand on débute en photo c’est de vouloir tout mettre dans une photo. Une photo d’un large paysage, et plus encore si c’est un panorama de plusieurs photos assemblées, est plate, difficile à lire si on n’inclut pas d’éléments permettant de reconstituer la profondeur.
Photographier c’est accepter qu’on ne montrera jamais qu’une fraction de ce que nous voyons. C’est choisir le sujet, et donc la focale, le format, la composition… Dire qu’une photo est un enregistrement de « la réalité » c’est oublier tout le processus de la perception visuelle et de l’importance de notre interprétation immédiate de ce que nous voyons.
L’oeil du photographe : mythe ou réalité ?
Penser que certains ont un talent inné, sous entendu que soi-même on n’a pas, c’est se chercher des excuses pour ne pas bosser. Personne ne nait avec un talent pour la photo. Certains pensent du reste que l’oeil du photographe n’existe pas. Je ne partage pas cette idée. Regarder avec attention beaucoup, beaucoup de photos, mais aussi de tableaux, photographier et analyser ses propres photos, choisir les meilleures (ou les moins mauvaises !), cela éduque le regard. Avoir un oeil éduqué à la photo c’est comme d’avoir un boitier virtuel constamment avec soi, qui isole des détails, repère des contrastes de luminosité, de couleur ainsi que des gestes et des regards qui pourraient faire une photo intéressante. C’est une façon d’être pleinement présent, attentif à son environnement.

Eduquer son regard photographique, c’est comme d’apprendre à lire : au début, c’est laborieux, on déchiffre, cela prend du temps. Quand on maîtrise la lecture, on se détache des aspects techniques pour ne s’intéresser qu’au sens de ce qu’on lit, et on lit vite.
Faites l’exercice : dites à voix haute la couleur (pas le nom !) des mots ci-contre. Difficile non ? Un enfant qui apprend à lire y arrive pourtant sans difficulté car il n’interpète pas encore immédiatement le contenu de ce qu’il lit.
Il y a des photos qu’on a le temps de prendre. On peut alors réfléchir à la composition, peaufiner les réglages pour avoir la bonne profondeur de champ, la bonne exposition. En studio, on contrôle même les éclairages, la position des sujets. On peut faire des essais, regarder le résultat sur l’écran, et recommencer.
Mais c’est loin d’être toujours le cas ! C’est là que l’oeil du photographe est particulièrement utile. C’est lui qui permet « à l’instinct » (qui n’en n’est pas un mais le fruit d’un travail) de cadrer et de déclencher rapidement.
Henri Cartier Bresson disait en 1957 :
« La photographie n’est pas comme la peinture. Il y a une fraction de seconde créative lorsque vous prenez une photo. Votre œil doit voir une composition ou une expression que la vie elle-même vous offre, et vous devez savoir avec intuition quand appuyer sur le déclencheur. C’est à ce moment-là que le photographe est créatif. Oups ! Le moment ! Une fois que vous l’avez manqué, il est parti pour toujours. »
Ce concept est étroitement lié à sa notion de « l’instant décisif », qu’il a développée dans son livre Images à la sauvette, publié en 1952. Le titre anglais de cet ouvrage, The Decisive Moment, reflète cette idée selon laquelle capturer le moment précis où tous les éléments d’une scène s’alignent parfaitement est essentiel en photographie.
Analyser une photo, ça s’apprend
Analyser une photo (la sienne ou celle d’un autre), ce n’est pas la juger. C’est une méthode qui permet d’aller plus loin que le « j’aime/j’aime pas », de comprendre ce qui fonctionne ou pas, et c’est essentiel pour progresser.
Demander un avis sur un groupe photo comme il y en a beaucoup sur facebook est rarement utile : les likes ne font que flatter l’ego, les commentaires du genre « à ta place, j’aurais cadré comme-ci ou comme-ça » ne sont pas des analyses qui s’interrogent sur l’intention de l’auteur. Les IA type Chat GPT font des analyses d’images très descriptives et très lénifiantes, bonnes également pour l’ego mais qui n’aident guère à progresser non plus.
Les photographes professionnels ont rarement le temps de se pencher sur la production des amateurs. Mais si vous en avez l’occasion, cela en vaut la peine ! Philippe Body par exemple propose des stages d’analyse et de composition de photo (en présentiel ou sur le net) et sur son blog, il analyse quelques unes de ses propres photos en détail. C’est toujours passionnant.
Etapes d’analyse
Il y a de nombreuses pages de livres et de sites web qui proposent des méthodes d’analyse d’image. Ce qui suit est un doux mélange de plusieurs d’entre elles adaptées à l’analyse de photos d’amateurs. Un photographe professionnel qui vit en vendant ses photos à des agences de presse n’aura pas la même analyse que celui qui vend des tirages d’art. Le but ici c’est d’analyser des photos dans le but de progresser.
Décrire
Il s’agit ici juste de décrire sans aucun jugement :
- Type de photo : artistique, documentaire, familiale, de voyage, fine art…
- Destinataire : moi seulement, famille et amis, club photo, exposition ou livre, concours…
- Sujet : évident ? Un sujet ou plusieurs sujets ? lequel ou lesquels ? Réel ou imaginaire ? Avec ou sans mise en scène ?
- Contexte : nécessaire de le connaitre ou pas ? compréhensible ou pas ? Saison, environnement urbain ou rural, heure de la journée, pays, quels sont les indices présents et utiles ?
La technique
- la netteté
- l’exposition
- le format : rectangulaire, carré, panorama, orientation horizontale ou verticale
- le cadrage : sujet centré, décentré, plan d’ensemble ou plus ou moins rapproché jusqu’au gros plan
- la position du photographe par rapport au sujet : à sa hauteur, en plongée, contre plongée, proche, éloigné…
- la composition : les éléments qui retiennent l’attention et leur placement dans l’image, les lignes directrices, les formes. Image statique ou dynamique ? Comment le regard circule-t-il dans l’image ? Y reste-t-il ? Y a-t-il des éléments qui l’attirent en dehors ?
- l’espace : rendu de la 3eme dimension, des perspectives, des volumes
- la lumière : orientation, naturelle ou artificielle, directe ou indirecte, diffuse ou focalisée (dure)
- les couleurs : chaudes ou froides, monochromes ou contrastées, complémentaires, saturées ou pastels, harmonieuses ou non ? Naturelles ou travaillées ?
- l’équilibre : les différents éléments de la composition sont-ils équilibrés ? Se renforcent-ils les uns les autres ou au contraire se nuisent-ils ?
- Le post traitement de la photo : met-il en valeur le sujet ? est-il adapté ?
Plusieurs de ces points d’analyse sont détaillés dans cet article.
Interprétation
Quand je regarde cette photo, qu’est ce que je ressens ? On n’est toujours pas dans le jugement à ce stade. Si vous analysez une de vos photos, faites comme si vous n’en n’étiez pas l’auteur 😉.
Cette photo sort-elle de l’ordinaire ? Quelle est la part de créativité de l’auteur ? Raconte-t-elle une histoire (qu’elle me plaise ou non) ?
Cette photo me parle-t-elle ? Si oui pourquoi : parce qu’elle fait appel à mon imagination, à mes émotions, qu’elle me rappelle des souvenirs, qu’elle me fait voyager ?
Jugement
Au premier regard, qu’on le veuille ou non, on a un jugement qu’il faut réfreiner pour passer à l’analyse. C’est l’effet que j’appelerai wahou, bof ou beurk. C’est ce qui fait que l’on va avoir envie de s’attarder ou non sur une photo. Si c’est plus agréable à priori d’analyser une belle photo, que l’on juge réussie, il est souvent plus formateur de comprendre pourquoi telle autre l’est moins.
Beaucoup d’amateurs, y compris des bons, ne se jugent pas légitimes à juger le travail photographique des autres. Mais personne ne photographie à la seule destination des professionnels ! Que ce soient les membres de votre famille, les visiteurs d’une exposition photo ou les lecteurs d’un livre, la quasi totalité des spectateurs sont des amateurs, plus ou moins avertis et les photos leur sont destinées. C’est donc à eux de les apprécier ou pas. Et donc en tant qu’amateurs nous sommes tout à fait légitimes à juger.
Mais si nous avons spontanément un premier jugement, il est important de le reprendre après une analyse de la photo et de le mettre en regard des différents éléments de l’analyse pour voir ceux qui vont dans le sens de ce que je comprends, ou crois comprendre des intentions de l’auteur, de ce qui l’a fait déclencher.
A ce stade on peut chercher ce qui dans une photo pourrait à notre avis, qui n’est pas forcément celui de l’auteur, être amélioré, quelles sont ses forces et ses faiblesses éventuelles, quel intérêt j’éprouve.
On peut ou non partager ce jugement. Si on le partage il faut le faire avec bienveillance et dans un esprit constructif, c’est à dire avec des éléments objectifs d’analyse, et seulement si l’auteur le demande.
Tout le monde a débuté un jour, et personne n’est jamais au bout de sa démarche de photographe.
Conclusion
Apprendre à identifier ce qui fait échouer une photo est souvent la première étape pour en réussir d’excellentes.
En évitant les pièges classiques – absence de sujet identifiable, erreurs techniques, composition confuse- vous transformerez votre regard et vos clichés.
Un « œil de photographe » ne naît pas par magie mais se développe par l’analyse, l’expérimentation et cette attention particulière au monde qui fait toute la différence entre voir et regarder.
La plus grande erreur du photographe est peut-être de craindre d’en commettre.
Pour aller plus loin sur ce thème je vous propose ces deux articles :
L’œil propose, le cerveau dispose, comment nous percevons le monde
Diriger le regard : comment créer des photos qui retiennent l’attention
C’est un très bonne analyse du « raté ». Je pense que, dès lors que l’on pratique avec un peu d’attention la photo et que l’on élimine les erreurs techniques basiques, la question principale tourne autour du « mal composé ».
Mais le fait est que, à part en participant à des challenges (cf Olivier sur FB) ou à des concours (club), il est finalement très difficile de savoir si sa photo est « réussie » ou non. Et si c’est non, on n’en aura pas pour autant l’analyse objective. Et si comme vous dites, on exclut les avis sur FB, les likes… (il est vrai que j’ai l’exemple étonnant d’une photo de montagne qui a fait 0 like et 0 commentaire sur le groupe d’Olivier, alors qu’elle a fait 1200 likes, des dizaines de commentaires et une centaine de partages sur un groupe de montagne, comme quoi, en plus d’essayer de bien composer sa photo, il faut aussi bien choisir son public) et que l’on exclut les commentaires des amis et familles qui seront tjrs positifs (surtt si vous êtes considéré comme le « pro »), que reste-t-il au réel comme solution pour les quidams dont je fais partie pour avoir une analyse intéressante de leurs photos ?
Même en club photo (du moins ceux que je connais) les projections pour analyses ne révèlent en fait aucune analyse réelle mais juste beaucoup de silence et quelques rares pauvres commentaires…
Un sujet finalement très difficile.
Merci de ce commentaire dont je partage la conclusion.
Quand dans un groupe (FB, club photo…) on voit quantité de photos sans sujet, mal développées, mal composées et que ce sont les mêmes personnes qui votent ou donnent leur avis, cela ne faire guère progresser. Sur des challenges j’ai souvent vu des photos vraiment maltraitées se trouver plebiscitées.
Analyser une photo c’est déjà difficile. La commenter de façon constructive, pour que l’auteur ne se vexe pas, en tire quelque chose qui le fasse progresser ça l’est encore plus. Mon meilleur conseil c’est de bosser, de faire des exercices d’analyse. même si on n’a pas de correction. Qu’est-ce qui me touche dans cette photo ? Pourquoi celle-ci est-elle bancale ? A force tu apprends à identifier ce que tu aimes et c’est déjà très important. Et si tu en as l’occasion, forme toi avec un pro comme Philippe Body par exemple. Là tu auras des avis étayés, bienveillants mais qui te feront progresser.
La technique s’acquiert assez facilement. Le talent se révèle, mais en travaillant de façon analytique.
Bonjour Florence,
D’abord merci pour tes articles qui sont très bien écrit, j’ai essayé le lien « Plusieurs de ces points d’analyse sont détaillés dans cet article. » mais j’arrive sur une page vide?
Cordialement
René
Bonjour René, Merci de l’avoir signalé, c’est corrigé.