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Le bruit en photographie : comprendre, prévenir, corriger

Quand on parle de « bruit » en photo, on parle de ces petits points parasites qui apparaissent sur une image, surtout dans les zones sombres ou uniformes. Ce grain indésirable peut transformer une photo nette et soignée en cliché brouillé, et il fait partie des principaux défis techniques des photographes.

Qu’est-ce que le bruit numérique ?

En photographie numérique, le bruit est un signal parasite qui se superpose à l’information lumineuse captée par le capteur.
Il se manifeste par des pixels de couleur aléatoire ou un « fourmillement » dans l’image, une granulation, particulièrement visible lorsque l’on agrandit la photo ou lorsqu’en post traitement on augmente l’exposition.

Il existe deux grandes catégories de bruit :

  • Bruit de luminance : variations d’intensité (plus ou moins clair) qui donnent un aspect granuleux.
  • Bruit de chrominance : points colorés anormaux (rouges, verts, bleus) là où il ne devrait pas y en avoir.

On peut parfois observer sur une série de photos des points colorés qui sont toujours à la même place. C’est ce qu’on appelle des pixels morts. C’est un défaut du capteur, ou de l’écan car ce défaut peut également apparaitre sur les écrans mais ce n’est pas du bruit numérique.

D’où vient le bruit ?

Lorsque l’on prend un sujet en photo, avant d’en obtenir une image visible, le signal lumineux est converti en signal électrique puis en valeurs numériques. Le fichier raw obtenu n’est pas directement visible, il doit être « traduit », dématricé, pour donner une image visible. Chacun des étapes mises en oeuvre est susceptible de générer du bruit.

Le bruit a en effet plusieurs origines :

Conversion d'un signal lumineux en valeurs numériques
Conversion d’un signal lumineux en valeurs numériques

Bruit de photon (bruit de Poisson, ou shot noise, ou bruit de grenaille)

Il est lié à la nature même de la lumière : particulaire et ondulatoire. Si je fais deux fois le même cliché, le nombre de photons arrivant sur un même photosite est statistiquement variable. Cela crée du bruit, qui est inévitable.
Il augmente avec le temps de pose et il est Proportionnel à la racine carrée du signal.
Plus de photons collectés = plus de bruit de photon

Mais le signal augmente linéairement avec le temps.
Par exemple :
Le capteur reçoit 100 photons. Le bruit est de 10 photons et le rapport signal bruit (RSB ou SRB en anglais) = 10:1
Le capteur reçoit 400 photons. Le bruit est de 20 photos et le RSB est de 20:1.
Le bruit absolu a doublé mais le rapport signal bruit est meilleur.

Bruit de lecture

Le capteur d’un boitier numérique est composé de millions de photosites qui fonctionnent chacun à la manière d’un panneau solaire en transformant un signal lumineux en une énergie électrique. Ce signal est lui même ensuite converti en valeurs numériques par le processeur du boitier et enregistré dans le format raw. Le processus de conversion analogique-numérique lors de la lecture des données du capteur produit du bruit, constant quelle que soit l’exposition.
Plus la sensibilité ISO est basse et la lumière abondante, plus ce bruit est négligeable.

Le bruit de lecture ne dépend pas du temps de pose. Il est constant et caractéristique de l’électronique du capteur.

Bruit de quantification

Ce bruit résulte de la conversion du signal analogique lumineux, qui peut prendre une infinité de valeurs, en valeurs numériques discrètes. En mode 8 bits (jpeg par exemple), le signal est ainsi codé sur seulement 256 niveaux par couche et ces niveaux ne sont pas fractionnables. Le bruit de quantification qui vient de ces paliers est plus prononcé en mode 8 bits qu’en mode 16 bits dans lequel chaque couche est codée avec 65 536 valeurs possibles.

Bruit thermique (dark noise)

Il est généré par l’agitation thermique des électrons dans le capteur, même en l’absence de lumière. Il augmente avec la température du capteur et avec le temps de pose. Il peut être particulièrement gênant en astrophotographie, lorsqu’on répète de nombreuses poses très longues. On peut alors observer des pixels de couleur, dits « pixels chauds » sur la photo. Les « dark frames », photos faites dans les mêmes conditions d’exposition mais avec un bouchon sur l’objectif, servent à créer une image de ces pixels chauds que l’on soustrait ensuite des vraies images pour enlever ce bruit.

Bruit ISO

Il est important de garder en tête que quand on augmente les iso sur son boitier, on ne fait que demander à celui-ci d’amplifier le signal qu’il reçoit. La quantité de lumière qui arrive sur le capteur ne change pas. Si le signal reçu est trop faible, le bruit de photon est obligatoirement élevé. Quand on augmente les iso on augmente le signal venant du sujet, mais également le bruit de photon et tous les autres bruits inhérents au capteur.

Pour visualiser ce bruit, la même statuette a été photographiée dans les mêmes conditions, volontairement très sombres, en faisant varier temps de pose et iso pour garder la même exposition. Aucun traitement n’a été appliqué et dans lightroom, la correction du bruit de chrominance a été mise à 0 (il est par défaut à 25 à l’importation des photos). Chaque vignette de la série ci-dessous représente une zone de 300 x300 px d’une photo de 6240 x4260 px.

Augmentation du bruit avec les iso

Plus la sensibilité ISO est élevée, plus le bruit devient visible. Le bruit de chrominance se traduit par un moirage coloré particulièrement visible dans les hauts Iso.

« Bruit de post traitement« 

Le post traitement ne génère pas de bruit par lui même. En revanche il le révèle ! Si une photo est sous exposée et qu’au post traitement on pousse la luminosité (ou les tons sombres), certes on éclaircit l’image mais on ne recrée pas les détails qui sont absents du fichier raw.

La montée en iso augmente le bruit mais elle réduit également la dynamique : sur les deux photos extrêmes de la série ci-dessus, j’ai aumenté de +3EV l’exposition dans lightroom. Cela permet de révéler des détails dans les ombres sur la photo prise à 200 iso alors que cela ne fait qu’augmenter le bruit dans celle prise à 25600 iso (certes un peu extrême !).

Effet des iso sur le bruit lors du post traitement.
Effet des iso sur le bruit lors du post traitement.

A noter que d’autres types d’artefacts ou de problèmes peuvent nuire à la qualité, au piqué de la photo, sans que ce soit exactement du bruit numérique. Citons en particulier :
– le bruit de compression : Introduit par les algorithmes de compression JPEG, créant des blocs et des artefacts.
– le « bruit » de netteté artificielle : Généré par une sur-accentuation lors du post-traitement.

Peut-on éviter le bruit ?

On ne peut pas complètement l’éviter mais on peut limiter fortement son apparition :

  • Bien exposer dès la prise de vue en évitant les sous-expositions qu’on devra rattraper comme dans l’exemple ci-dessus. Si la dynamique de la scène est importante, pour éviter de brûler les hautes lumières, utiliser la fusion de plusieurs expositions (bracketing) lorsque c’est possible. Mais on verra dans un autre article qu’avec les boitiers modernes qui sont dits « iso invariants », les choses ont changé.
  • Utiliser la sensibilité ISO la plus basse possible compatible avec la scène. Mais mieux vaut une photo nette et bruitée qu’une photo sans bruit mais floue 😉.
  • Apporter plus de lumière en utilisant flash, ouverture plus large, vitesse plus lente si possible.
    En astrophotographie, il est aussi possible de cumuler plusieurs prises de vues que l’on empile pour lisser le bruit tout en gardant les détails (stacking).

Le post-traitement : allié… mais pas magicien

Les logiciels comme Lightroom, DxO PureRAW ou Topaz DeNoise AI utilisent des algorithmes avancés pour réduire le bruit.
Les résultats sont souvent impressionnants. Ci dessous, l’image prise à 25 600 isos reste encore regardable après débruitage avec Topaze Denoise, même en ajoutant 3EV au développement. Bien entendu le résultat sera toujours moins bon qu’à 200 isos mais quand on n’a pas de pied photo (dans un musée par exemple…) ou très peu de lumière et qu’on veut tout de même prendre une photo, c’est intéressant de savoir jusqu’ou on peut aller avec son matériel.

Image à 25600 iso débruitée par Topaze Denoise. A gauche : sans débruitage, Au centre débruitée, à droite débruitée après surexposition de 3EV dans lightroom
Image à 25600 iso débruitée par Topaze Denoise.
A gauche : sans débruitage, Au centre débruitée, à droite débruitée après surexposition de 3EV dans lightroom. (Cliquez pour voir en grand)

Mais avant de faire appel à ces fonctions, qui utilisent l’IA pour analyser les images, il est fortement recommandé de tester son boitier pour voir jusqu’à quelle valeur d’iso on peut monter tout en gardant une qualité d’image correcte. Chaque boitier a ses propriétés, ses limites. Les photos ci-dessus ont été prises avec un Fuji XT4, un capteur APS-C qui n’est pas le plus exceptionnel du marché pour la gestion du bruit. Mais comparé à mes boitiers précédents, c’est le jour et la nuit !

Les capteurs ont en effet considérablement progressé sur ce point ces dernières années. Certains photographes traitent presque systématiquement toutes leurs images pour enlever le bruit numérique… même quand en réalité il n’y en a pas. C’est dommage car cela donne souvent des clichés plats, un peu plastiques, et artificiels.

Le compromis inévitable

Le bruit est inhérent à toute image numérique. On peut le réduire, le masquer, ou le rendre acceptable, mais jamais l’éliminer complètement. L’objectif n’est pas de le bannir à tout prix mais de le contrôler. Un peu de grain peut même ajouter du caractère à une photo.

2 commentaires sur “Le bruit en photographie : comprendre, prévenir, corriger”

  1. Suite à ce premier article concernant la notion de  » bruit  » en photographie , je pense qu’il devient de plus en plus nécessaire pour arriver à ce  » compromis inévitable  » de s’ intéresser à l’avancée technologique de ces dernières années pour mieux maîtriser son appareil et en tirer le meilleur profit.
    J’attends avec un intérêt certain votre prochain article sur la notion d’iso invariant que vous évoquez et qui je pense me confortera dans mon opinion.
    Encore une fois merci pour vos développements toujours super intéressants.

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